mercredi 10 avril 2013

Démesure et revenu maximum, entretien avec la Fondation Manu Robles-Arangiz et Bizi!

cmd_exterieur_vert.jpgEntretien en vue de mon débat organisé par Bizi! avec Karima Delli à Bayonne le 26 avril, publié dans la revue Enbata.

Qu'est-ce que le Revenu Maximum Autorisé / Acceptable ?

C'est une mesure qui consiste à dire que l'hyper-richesse n'est pas légitime, et qu'il n'est pas acceptable que le total des revenus d'une personne dépasse une certaine somme, le revenu maximum autorisé (RMA). Concrètement, pour toucher l'ensemble des revenus, ceux du capital comme ceux du travail, nous proposons la création d'une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu taxée à 100 %. Pour nous le RMA se situe à 360.000 euros, ce qui laisse donc tout de même un revenu de 30.000 euros par mois...

En quoi est-ce une urgence écologique.. et une mesure sociale par excellence ?

C'est une urgence écologique dans la mesure où l'idéologie dominante (médias, publicité) fait du mode de vie des riches le modèle à suivre. Or ce mode de vie hyper-consumériste n'est pas généralisable au vu de la crise climatique, de celle de la biodiversité, et de la finitude des ressources, notamment énergétiques. Et franchement, à quoi sert de posséder 3, 4, 10 maisons quand chaque nuit on ne peut dormir que dans un lit ? Et c'est une mesure sociale, car la création d'une telle tranche oblige à renforcer la progressivité de l'impôt par la création de nouvelles tranches, ce qui relève d'une justice sociale élémentaire. Enfin elle permet de dégager des ressources pour défendre les services publics, le patrimoine de ceux qui n'en n'ont pas.

Est-ce qu'il y a des exemples (pays, époque, etc. ) concrets où le RMA a été mis en place... et quelles conséquences est-ce que cela a pu avoir ?

L'exemple le plus marquant est celui... des États-Unis ! Une des mesures prises par Roosevelt après la crise de 1929 est en effet la création d'une tranche supérieure à l'impôt sur le revenu de 91 %. Cela n'a pas nui au dynamisme de l'économie américaine et les inégalités ont été fortement réduites pendant 40 ans, avant le retour des politiques libérales.

Qu'est-ce qui peut être fait pour que ce concept soit mieux connu par et plus utilisé/revendiqué par la population ?

L'aspiration à l'égalité n'a pas disparu dans notre pays. Or les inégalités se sont accrues à des niveaux qui dépassent l'entendement. Les scandales financiers et autres parachutes dorés ont marqué les esprits. Il faut déconstruire l'imaginaire de la pression fiscale qui amputerait le niveau de vie du grand nombre : c'est l'inverse. Le RMA fait partie d'un ensemble de revendications pour un meilleur partage des richesses, pour en finir avec le mythe de la croissance qu'il faudrait attendre pour améliorer le sort des plus pauvres. Pourquoi attendre, les richesses existent ! La véritable pression sur le niveau de vie des ouvriers et employés, c'est celle du capital, des actionnaires.

Ce discours commence à être entendu par une partie croissante de la population. En témoigne le dynamisme de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon qui l'a porté haut et fort, et l'empressement du PS à promettre et bricoler l'instauration d'une taxe à 75 %, mal ficelée et bien éloignée en réalité du concept de RMA, mais conçue pour essayer de capter le mouvement naissant autour de cette revendication.

A votre niveau quelle initiative avez-vous pu prendre pour lutter contre la démesure ou faire de la sensibilisation sur le thème du RMA ?

Venant de l'écologie politique, à mon arrivée au PG j'ai activement porté le RMA, en organisant par exemple un débat à la Fête de l'Huma dès 2009 avec Hervé Kempf. Cette proposition a ensuite été intégrée dans le programme du Front de Gauche "L'humain d'abord". Mais ce n'est pas notre seule proposition pour lutter contre la démesure. Notre proposition de loi sur la fiscalité écologique, l'écart maximum de salaires de 1 à 20, la réduction drastique de la publicité dans l'espace public, vont aussi dans ce sens.

Dans le contre-budget présenté par le PG, nous proposons une augmentation de la TVA sur les produits de luxe, et à titre personnel je suis assez attachée au symbole des yachts ou des golfs comme cas flagrants d'indécence sociale et de gabegie de ressources. Nous revendiquons d'ailleurs une tarification progressive sur l'énergie et l'eau, avec la gratuité des premières tranches indispensables à la vie, le renchérissement du mésusage, et la distinction entre usages professionnels et particuliers. C'est possible : nous l'avons mis en place aux Lacs de l’Essonne avec le retour en régie publique de l'eau grâce à notre élu Gabriel Amard. Nous travaillons beaucoup ensemble aussi avec Paul Ariès sur la gratuité des services publics en lien avec le débat sur la dotation inconditionnelle d'autonomie.

Par ailleurs, en tant que conseillère régionale Rhône-Alpes, je suis particulièrement impliquée dans la lutte contre l'extraction des gaz de schiste et le soutien à l'initiative équatorienne Yasuni-ITT, pour sensibiliser à la nécessité d'aller vers une société non extractiviste, vers l'écosocialisme et le buen vivir.

Pour aller plus loin, auriez-vous d'autres contacts/références à recommander aux lecteurs ?

"Comment les riches détruisent la planète" d'Hervé Kempf, les deux tomes de mon ouvrage "Nos colères fleuriront", "La règle verte" de Jean Luc Mélenchon, une lecture régulière du Sarkophage et bien sûr le "Premier Manifeste pour l'écosocialisme" qui vient de sortir chez Bruno Leprince !

Sur le net : Taxer les riches avec le revenu maximum : un argumentaire complet sur le blog de Jean Luc Mélenchon

Et des billets ici au fil des mois sur le revenu maximum

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