Poursuivons
le désenfumage... Dans la série il faut déconstruire les mythes,
aujourd'hui : la voiture « propre ».
Vous avez remarqué ? En ce moment, elle est partout : en vedette au salon de Francfort, dans tous les canards, sur toutes les lèvres... Le gouvernement est à fond sur cette fausse solution miracle particulièrement symbolique du capitalisme vert : priorité du grand emprunt national, superbonus de 5000 euros, achat de quads électriques à La Poste, plan gouvernemental «véhicules propres» par lequel l’Etat va commander 40 000 voitures électriques... Sans compter les centaines de millions d’euros déjà accordés aux constructeurs français pour plancher sur la question. Et je n'évoquerai pas les aides aux agrocarburants, qui pourtant le mériteraient bien... mais c'est encore un autre sujet...
Il faut dire qu'une voiture « propre », c'est quand même pas rien. Ça vaut bien un peu de ramdam médiatique et de promotion commerciale... Quitte à modifier les conclusions d'une étude de l’Ademe avant sa diffusion ? Oh, les données n’ont pas été modifiées, non. Tout est dans l'art du cosmétique : le résumé a été relooké et le titre initial, «Vers un développement maîtrisé», est devenu : «Un développement nécessaire» ! Sans commentaires...
Déjà l’an dernier, une publication du Centre d’analyse stratégique avait été semble-t-il retardée juste avant le Mondial de l’Auto à Paris. Il faut dire que sarkozy s’apprêtait à annoncer un plan en faveur de la «voiture décarbonée». Notons au passage cette habile pratique de la politique de l'oxymore, aka novlangue quand Vinci parle d'éco-autoroutes, Areva d'énergie « décarbonée », et les constructeurs automobiles de « voitures propres » !
La voiture électrique serait donc « décarbonée » ? Mais l'énergie électrique, même si elle provient aux ¾ du nculéaire en France, est produite aux 2/3 au niveau mondial par des centrales à charbon, fioul ou gaz ! Si on s'en tient au mix électrique de l'Europe, le bilan de la voiture électrique serait de 126 grammes de CO2 au km. Soit guère mieux que la Peugeot 207 qui émet 99 g/km... Bref, passons rapidement, j'ai presque l'impression de faire de la pub pour une voiture ;(
Redisons-le, le nucléaire aussi produit du CO2 : de l'extraction de l'uranium à l'autre bout du monde, son acheminement, la construction et le retraitement des centrales, la gestion des déchets... Et la France importe de l’électricité carbonée dès qu’elle doit faire face à des pics de consommation, notamment du au chauffage électrique et à la clim. Alors si on rajoute à ça tous les automobilistes qui rechargeraient leur voiture le soir... C'est 20 réacteurs nucléaires supplémentaires qu'il faudrait pour passer au 100% voiture électrique. Selon Jean Marc Jancovici, «Il faudrait 40 à 60 % de la production française actuelle pour électrifier 30 millions de véhicules». On comprend mieux pourquoi certains ont intérêt à diffuser l'idée d'une voiture « propre ».
La voiture « propre », ou comment une fois de plus surfer sur la vague écolo pour faire du business...
Enfin, une dernière chose : les batteries de ces voitures « propres »sont réalisées à base de lithium. Ce matériau n’est pas une ressource inépuisable. Et il existe peu de gisements. Notamment en Bolivie, dans les déserts salins... Mas son exploitation requiert beaucoup d'eau. Et vu qu'il est aussi utilisé pour les portables, son prix explose et aiguise tous les appêtits...
Une fois de plus, va-t-on aller piller les ressources naturelles des pays du Sud pour alimenter le productivisme du Nord ? Ou est-ce qu'on va enfin se décider à mettre en place de vraies politiques de transports ? A l'heure de la privatisation du rail et de l'abandon par la SNCF des « wagons isolés », jugés pas assez rentables ; à l'heure des mega camions et de la relance de la croissance par la construction de nouveaux autoroutes ; à l'heure de la taxe carbone qui fait reposer l'effort sur des particuliers qui n'ont pas d'autres alternatives que leur voiture pour aller bosser... Bref. Vivement l'alternative !
Relance du nucléaire, politique de l'oxymore, croissance verte, exploitation des ressources du Sud, collusion mediatico-business-politique... Je ne pouvais pas résister ;)
Une petite pensée pour Illich, qui a calculé qu'en prenant en compte le temps moyen passé à travailler pour acquérir une automobile et faire face aux frais qui y sont liés, la vitesse du bolide est seulement... de 6 km/h, soit la vitesse d'un piéton :) A méditer...
