dimanche 12 septembre 2010

De la gratuité en politique

Fin août, juste avant le démarrage du remue méninges du PG à Grenoble, nous avons officiellement lancé l'association des élus du PG et apparentés "La gauche par l'exemple". Un de nos débats portait sur la question de la gratuité des services publics, j'étais chargée de l'animer. Nous avons finalement adopté une résolution intitulée "Construire la gratuité". C'est un pas important.

De fait, les notions de gratuité et de valeur d'usage, que portent avec succès les objecteurs de croissance, sont des thèmes de plus en plus présents au sein du PG. Logique, car elles vont de pair avec notre objectif de répartition des richesses et de justice sociale. Mais il faut aussi savoir reconnaitre que la gratuité pose de vraies questions en matière d'égalité, tant qu'on n'aura pas réformé en profondeur l'impôt et remis en place une progressivité drastique permettant justement de financer cette gratuité de manière juste et équitable. Car du coup, et c'est un argument qu'on entend souvent, la gratuité pour tous bénéficie autant aux riches qu'aux pauvres. Alors tant que les riches ne contribueront pas plus...

Bref, ces débats sont vraiment passionnants, au croisement entre projet de dépassement du capitalisme et alternatives concrètes immédiates. Pour y contribuer, nous avons rédigé cette tribune avec Gabriel Amard pour l'hebdo du PG, A Gauche.

De la gratuité en politique

(également à lire ci-dessous)

Et nous organisons à la communauté d'agglo des Lacs de l'Essonne un colloque sur la gratuité avec le Sarkophage de Paul Ariès le samedi 27 novembre prochain avec des élus, chercheurs, syndicalistes et militants associatifs... Notez la date !

Les notions de gratuité et de valeur d'usage sont de plus en plus présentes dans nos débats, face au déchainement ultralibéral de l'Union Européenne et d'un gouvernement à la botte des lobbies économiques. L'eau est confiée à des multinationales privées, la protection sociale à des assurances complémentaires, nos mécanismes de solidarité et de répartition sont mis en miettes... L'accés de tou-te-s à l'école, à l'hopital public, à une retraite décente, ou encore à une énergie accessible est sérieusement menacé. Il est intolérable qu'il faille à la fin du mois choisir entre se nourrir, se chauffer ou se soigner. Alors, le combat pour la gratuité, en politique, ça veut dire quoi ?

D'abord, porter la notion de gratuité consiste à réaffirmer que les services publics sont la garantie de l'égalité d'accès de tous à ces droits fondamentaux. Parce qu'ils sont le patrimoine de ceux qui n'en ont pas, ils doivent être au coeur du combat politique de la gauche. Nous devons bâtir de nouveaux outils de redistribution et poser la question des choix, donc des priorités politiques. Car il ne s'agit pas d'affirmer de manière démagogique que tout doit être gratuit : nous en savons le coût pour la collectivité et nous ne considérons pas que tout soit égal. Il faut donc également poser la question des usages.

Sur la question de l'eau et de l'électricité, par exemple. Est-il acceptable que le service de l'eau utilisée pour se nourrir ou se doucher coute le même prix que celui utilisé pour arroser un golf ? (...)

Comment tolérer que l'électricité soit facturée au même tarif pour se chauffer en hiver dans un logement mal isolé et pour faire ronronner la climatisation d'un magasin aux portes grandes ouvertes en plein été ? Il s'agit là de revenir à la valeur d'usage, et donc d'accorder une valeur marchande différente selon la destination du bien utilisé. Tout l'inverse du projet de taxe carbone qui ciblait indifféremment pauvres et riches, bien logés ou non, à proximité de transports collectifs ou obligés d'aller bosser en vieille guimbarde polluante. C'est pourquoi nous défendons l'idée de la gratuité des premières tranches de consommation d'eau et d'énergie, financée par le renchérissement du mésusage des tranches supérieures. Voilà une mesure à la fois porteuse de justice sociale et de réduction des gaspillages de ressources rares ou polluantes.

Prenons un autre exemple : les transports en commun. Les politiques publiques de la ville doivent viser une seule et même finalité : permettre aux citoyens de vivre mieux, dans un espace préservé et amélioré, dans un temps libéré autant que possible de ses composantes aliénantes, afin qu’ils puissent se réaliser individuellement et collectivement. Or la massification des transports publics, en constituant une alternative aux véhicules individuels, présente un impact positif indéniable en matière d’environnement mais aussi d’urbanisme et de qualité de vie. Qui n’a jamais perdu son calme en se retrouvant coincé dans les bouchons ? Qui n’a jamais rêvé de transports en commun cadencés, efficaces, rapides ? Mais qui n'a jamais vu quelqu’un renoncer aux transports publics parce qu’ils sont trop chers ? Rien ne sert de disposer d'un réseau efficace si les gens ne l'empruntent pas ! Par expérience d’élus locaux, nous savons que les tarifs des services publics en conditionnent l’accès. In fine se pose donc la question de la gratuité.

Prenons le temps de revenir sur une vision des choses communément admise à gauche, qui voudrait que la participation même modeste au financement participe à la « responsabilisation » de l’usager. Mais chacun contribue déjà au financement des services publics de proximité comme nationaux au travers de la fiscalité ! Certes, une revalorisation de l’impôt sur le revenu et une refonte de la fiscalité sont nécessaires, de même qu'une plus grande et meilleure complémentarité entre l'État et les collectivités, à rebours du scélérat projet de réforme territoriale. Mais le principe de solidarité républicaine nous amène à estimer que la gratuité devrait être la règle en matière d’accès de tous aux services fondamentaux, et que les entreprises doivent contribuer plus largement, elles qui utilisent ces investissements et services publics à des fins marchandes. Ne serait-il pas logique qu'un supermarché desservi par des transports publics prenne sa juste part de financement ?

Dès lors, nous posons la gratuité des services publics comme objectif politique, mais aussi comme outil de démocratie citoyenne. Ce qui est valable pour l'eau et l'énergie ou pour les transports en commun peut s’appliquer à d’autres services éducatifs, de santé, culturels... Cependant, nous ne pourrons pas assumer la gratuité pour l’ensemble des services. Il faut donc assumer des choix et des priorités politiques. Les bases sont simples : quel service touche le plus aux biens communs indispensables à la vie et au lien social, pour soi et avec les autres ? Lequel contribue le plus à sortir de l’aliénation consumériste ? A une meilleure redistribution des richesses ? Tout ceci doit être passé au crible de l'impact environnemental et de notre méthode pour l'action : la planification écologique qui permet de combiner les deux espaces territoire et temps, enjeu essentiel des décennies à venir. Cette démarche implique d'en débattre tous ensemble avec les habitants et les usagers, par l'organisation de réunions publiques, de référendums populaires et de votations citoyennes. Cela nécessite pour les élus et les militants du PG de mener l’indispensable travail d’éducation populaire politique nécessaire à la décolonisation de l'imaginaire, au développement d'un nouvel engagement populaire et in fine, à la sortie du capitalisme.

La construction d’une culture de la gratuité participe de la révolution citoyenne à laquelle nous aspirons. Parce qu'elle peut apporter la preuve par l’exemple qu’une société radicalement différente, basée sur d’autres valeurs que l’argent et la consommation, est possible.

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