vendredi 24 septembre 2010

De la société de surveillance, Facebook, Loppsi et les "voisins vigilants"

Arg. Je me fais rattraper par la technologie... Moi qui refuse d'être sur Twitter et de me créer une page Facebook, au grand dam de mes camarades du PG, voilà que vous avez vu fleurir sur ce blog des "T" et des "F", des "retwitter" et des "share", auxquels s'est même rajoutée une étiquette "top blogs" de wikio. La classe ;)

Eh oui. J'avais pourtant refusé le Blackberry-fil-à-la-patte qu'on m'avait proposé quand j'étais encore consultante du CAC 40. Et persévéré avec ma vieille Carte Orange jusqu'à ce qu'il n'y ait vraiment plus moyen de faire sans le Pass Navigo. Ce truc qui enregistre chacun de vos passages dans les transports publics parisiens (tiens, un aller retour sur Chatelet, à 15h de l'après midi, mais vous n'étiez pas censé être en rendez vous client à la Défense ?) Déjà que la carte bleue permet de suivre vos dépenses (re-tiens, ce restau le 30 vous étiez quoi, deux, non ? C'est plutôt cher ce bistrot, c'était pour une occasion ? Mais que faisiez-vous à Rouen au fait ?)... Que les compteurs électriques intelligents permettront bientôt de savoir à quelle heure vous prenez votre douche (chaude et longue ? biiiip c'est mal pour la planète, et en plus vous allez être en retard au boulot), je n'avais pas spécialement envie de me faire davantage suivre à la trace.

Il a fallu ensuite résister à l'IPhone. Mais là je dois dire qu'après les européennes, je me suis promis d'investir si j'étais à nouveau candidate dans une élection. L'accès aux mails, pour un militant nomade, c'est quand même un bel accélérateur de particules et un gain de temps précieux... Donc, IPhone pour les régionales. Bon. Bien sûr, j'ai refusé la géolocalisation en me félicitant qu'on nous demande encore notre avis. Me suis promis de ne télécharger aucune application de type coussin péteur (si si il parait que ça existe !). Et une fois élue, je me suis racheté une conscience en refusant le deuxième IPhone proposé par la Région (le nouveau modèle !) et l'équipement informatique dont je n'avais pas besoin. Autant pour ma conscience environnementale, le lithium Bolivien et le peuple Afghan, qui n'avait pas besoin de se découvrir cette richesse pour se faire envahir. Bref.

Quant à Facebook, aucune envie de cliquer sur un oui ou sur un non quand quelqu'un, que je ne connais probablement pas d'ailleurs, me demande de devenir mon ami. Je trouve le procédé très étrange. Sans compter que si nous, militants désireux avant tout de propager nos idées, nous savons protéger notre vie privée, en allant sur Facebook nous alimentons aussi un système (réseau social ?!) où vont pas mal de gens, jeunes et moins jeunes, qui croient que parce qu'ils n'ont rien à cacher ils peuvent tout montrer. Mais quand on cherche, on trouve. Toujours.* On sait ce que cela a couté à certains de critiquer leur prof, leur collègue ou leur patron, de publier des photos de soirée enivrées ou de découvrir soudain que leurs gamins avaient grandi, hum. Bon, une fois dit ça, je reconnais que je suis bien contente que des copains relayent sur Facebook ou Twitter mes billets de blog. Mais pas plus. D'où les "'T" et les "F"...

A l'heure où certains s'organisent pour disparaitre, il me semble incongru de laisser des traces partout. Laissons ce soin (euh, non, ne leur laissons pas !) à la police et au gouvernement qui s'y connaissent pour ficher tout le monde, victimes et coupables, prévenus et innocents, et pour fliquer le Web. Les dernières lois sur la sécurité dites Loppsi viennent compléter les Edwige et autres Base Elèves, ça suffit ! La liberté d'expression et le droit à l'anonymat et à la vie privée s'évaporent insidieusement. Résistons ! Pas en vivant cachés, au contraire. Vivons au grand jour, et revendiquons nos libertés ! Mais en choisissant et en aidant à choisir les infos qui peuvent être publiques, et celles qui ne regardent personne. On a le droit de barbouiller les caméras de vidéosurveillance ;)

Et de refuser avec force la nouvelle brillante idée de cette société bigbrotherisante, les "voisins vigilants". Berk. Ces néo-milices de quartier sont en train de se mettre en place dans plusieurs dizaines de villes en France, sur le modèle britannique des « neighbourhood watch ». Des voisins zélés s’inscrivent auprès de la gendarmerie pour devenir « référents » et noter tout ce qui leur semble bizarre : plaque d’immatriculation de voitures « suspectes », code vestimentaire et descriptions de visiteurs... Avec pour mission de rapporter chaque détail « anormal » à la gendarmerie. Un gars qui rentre un peu tard en titubant chez lui, une fille qui ramène chez elle un inconnu, que sais-je ? Une robe à pois avec des collants rayés, suspect ? Tout est possible, tout est louche. Surtout quand on cherche. Comme le dit le communiqué du PG qui réclame une commission d'enquête sur ce dispositif, en clair, c'est ni plus ni moins la mise en place progressive et sournoise d’un réseau de délation généralisé où tout le monde surveille tout le monde, où le soupçon l’emporte sur la bienveillance (ou simplement l'indifférence). Comble du mauvais goût, les villes et quartiers qui mettent en place ce dispositif le revendiquent en l’indiquant par un panneau de signalisation représentant « un œil vigilant ». Et bien entendu, le génial dispositif n’a aucun fondement légal et n’offre donc pas de voie de recours aux citoyens.

... Quis custodiet ipsos custodes ?

Nous.

Et on continue à porter des robes à pois avec des collants rayés, à ramener des inconnus chez soi et à tituber le soir. Si je veux :)

* LE bon point d'entrée dans les méandres de la société de surveillance : Jean Marc Manach, à retrouver sur son site : Bug Brother, ou sur Owni, également cofondateur des Big Brother Awards et auteur de : "La vie privée, un problème de vieux cons ?" aux éditions FYP.

... où JMM nous rappelle qu'en mars 81, Pierre Mauroy, premier ministre socialiste, déclarait :

"Pour la droite, la première des libertés, c'est la sécurité. Pour nous la gauche, la première des sécurités c'est la liberté."

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