vendredi 29 octobre 2010

Où il est question de liberté, de répression et de Berlusconisation

On apprend qu'un nouveau cambriolage avec rapt d'ordinateur a eu lieu. Les victimes : Mediapart, le Monde et le Point, des journalistes en charge du dossier Woerth-Bettencourt. Comment imaginer une seule seconde que le hasard fasse si bien les choses ? Ces effractions ne peuvent être le fait que de personnes bien informées, expertes en dérobage, et sûres de leur impunité. Qui donne les ordres ? Dans quel but ? Une fois de plus, les questions affluent et le doute s'installe. Car ces cambriolages ne peuvent avoir qu'un seul objectif : intimider les sources, en leur signifiant qu'elles ne sont pas à l'abri, même confidentiellement rangées dans un ordinateur, et contraindre le travail d'investigation des journalistes.

La France vient d'être classée 44e au classement de la liberté de la presse de Reporters sans Frontières. L'Italie est 49e... Serions nous en voie de Berlusconisation aggravée ? Il faudra que vérité soit faite sur ces actes, la liberté d'expression doit impérativement rester de mise au Pays des Lumières et des Droits de l'Homme !

Qu'elle soit syndicale ou associative, qu'elle passe par le droit de grève, de soutien aux sans papiers, par le droit à l'anonymat des blogueurs, des jeunes à manifester ou qu'elle passe par la liberté de la presse et le droit à l'information du public sur les affaires dites d'État...

Là sont les véritables scandales, loin des petites phrases reprises en boucle par les médias dominants.


C'est la raison pour laquelle nous avons déposé une commission d'enquête parlementaire sur les répressions de ces dernières semaines, de l'expulsion du squatt de la Marquise et l'entrave aux journalistes, à l'encerclement de jeunes manifestants place Bellecour à Lyon, en passant par les réquisitions dans les raffineries (voir ci dessous le texte déposé).

Des tribunaux ont d'ores et déjà donné raison aux grévistes de la raffinerie de Grandpuits (le tribunal administratif de Melun ayant annulé la réquisition), tout comme à l'action de réquisition de Jeudi Noir qui a été reconnue comme légitime (la cour d'appel reconnaissant dans ses attendus « le souci légitime du collectif d’attirer l’attention des pouvoirs sur les difficultés de logement »), de même que la relaxe des déboulonneurs au nom de la liberté d'expression inscrite dans notre Constitution (attendus de la 13e chambre correctionnelle du TGI de Paris : "(...) Qu’il convient donc de prononcer la relaxe en considérant que l’exercice de cette liberté ne saurait constituer une infraction, hors les cas limitativement et spécifiquement prévus par la loi, ce qui n’est pas le cas en l’espèce").

C'est un bon début, ce n'est pas assez !

Dans notre pays, le droit de propriété continue à supplanter le droit au logement, la soi-disant sécurité intérieure à imposer son diktat à la liberté d'expression, les syndicalistes d'être poursuivis et les militants d'être criminalisés !


Vigilance et résistance. Ne rien laisser passer, ne rien lâcher.


Voir aussi la note de JL Mélenchon à ce sujet sur son blog


Le communiqué du Syndicat national des journalistes

Celui du PG...

... Et l'excellent boulot effectué par @si sur ces questions depuis plusieurs jours (l'occasion si ce n'est déjà fait de vous abonner)


Le projet de loi sur les retraites suscite une forte mobilisation sociale, multiforme et inscrite dans la durée. L'opposition à la dérive sécuritaire du gouvernement et à sa politique envers les résidents étrangers, les revendications de certaines professions telles que les infirmiers-anesthésistes, la défense des mal-logés et bien d'autres causes ont également donné lieu à des actions revendicatives. Ces dernières semaines, face à ces mobilisations, il a été observé une politique répressive en rupture avec les pratiques habituelles. Elle suscite de nombreuses interrogations, quant au respect des libertés individuelles et des droits collectifs, et des principes mêmes qui fondent notre République.

Parmi ces pratiques répressives, il a été relevé notamment :la technique d'encerclement des manifestants sans possibilité de quitter les lieux de la manifestation, et ce, pendant des heures (lors de manifestations place Bellecour à Lyon, lors de l'évacuation d'un squat place des Vosges à Paris...) ; la présence de policier en civil sans signes distinctifs permettant de les distinguer lors d'actions violentes ; des agressions contre des manifestations syndicales suivies de poursuites judiciaires contre des syndicalistes et de condamnations (par exemple à Saint-Nazaire) ; l'utilisation répétée d'armes dangereuses (lanceur de balle de défense – « flash-ball » – à Montreuil, grenades offensives à Lorient...)

D'autre part, le recours à la réquisition contre les travailleurs des raffineries, procédure tombée en désuétude depuis 1963, a été décidé dans la précipitation, sur des bases juridiques contestées à plusieurs reprises, avec des décisions de justice invalidant certains arrêtés préfectoraux.

Enfin, des journalistes se sont plaints d'entrave à l'exercice de leur profession, voire de violences à leur encontre, alors qu'ils couvraient les manifestations et que leur qualité de journaliste était connue.

La cohérence de cet ensemble de données questionne sur l'évolution des réponses policières et judiciaires apportées aux mobilisations populaires.

La commission d’enquête que l’Assemblée nationale aurait pour mission :de procéder à un relevé aussi complet que possible des faits et à la vérification des témoignages des différentes parties, de déterminer dans chaque cas d'espèce les modalités de décision et les responsabilités des différents acteurs, d'étudier la validité juridique des choix effectués, d'évaluer les conséquences de ces nouvelles pratiques, et, le cas échéant, de formuler des recommandations pour remédier aux éventuels dysfonctionnements.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d’adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

1) En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête de trente membres relative à la gestion des forces de l'ordre et aux méthodes utilisées dans le cadre des mobilisations sociales courant 2010.

Elle devra notamment faire le point sur : les techniques, armes et choix tactiques utilisés lors des mobilisations sociales depuis le printemps 2010, envers les manifestants, les passants et la presse ; les modalités de décision et les responsabilités des différents acteurs ; la validité juridique des choix effectués et les conséquences de ces pratiques ; dans ce cadre, un point d'attention particulier sera porté par la commission sur les forces de l'ordre volontairement non identifiées en tant que tel, leurs méthodes, leurs choix tactiques, la chaîne de commandement et les conséquences juridiques et pratiques.

Elle formulera des propositions pour remédier aux éventuels dysfonctionnements qui seraient en contradiction avec le respect des libertés publiques et les valeurs fondamentales de la République.

2) Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la commission veillera à recueillir des informations sur des faits n'ayant pas donné lieu à des poursuites judiciaires.


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