vendredi 4 février 2011

En France, on n'a pas de pétrole... mais on a des idées !

Papier rédigé pour l'hebdo A Gauche (oui je sais, je suis un peu monomaniaque en ce moment ;)

Les gaz de schiste sont exploités depuis 10 ans aux États Unis et au Canada. En France, les oligarques réunis de l'industrie et du gouvernement Sarkozy ont décidé de s'y mettre. C'est ainsi que depuis le mois de mars 2010, des autorisations sont accordées par le Ministère de l'Écologie à des multinationales françaises et étrangères (dont Total et GDF Suez) pour explorer le sous sol français. A l'issue de cette phase d'exploration, des permis d'exploitation ont toutes les chances d'être délivrés. Sauf si... Petite revue de synthèse de toutes les bonnes raisons de s'opposer aux gaz de schiste, en prise directe avec les combats et orientations du Parti de Gauche.

Mais d'abord, pourquoi cette ruée vers les gaz de schiste ? L'argument principal avancé par ses défenseurs est la formidable réserve de nouvelles sources d'énergie que représenteraient ces gaz. Selon l'industriel E.ON, des milliers de milliards de mètres cubes de gaz en Europe, sept fois plus en Amérique du Nord et plus encore en Asie et en Australie. Dans un contexte d'épuisement des ressources fossiles, le pic de pétrole ayant été atteint en 2006 selon l'Agence Internationale de l'Énergie, on imagine aisément l'effet d'aubaine pour les multinationales. Pensez ! De quoi continuer à flamber pendant des décennies, dans une véritable fuite en avant, et au mépris du climat, de quoi évacuer la question de la sobriété énergétique pour encore quelques années... Mais à quel prix ?


Petits repères techniques et dégâts environnementaux. Les gaz de schiste sont des gaz dits « non conventionnels », qui sont emprisonnés dans la roche, le « schiste ». Pour récupérer ce gaz, on a recours à la « fracturation hydraulique », mise au point par le marchand d'armes américain Halliburton (à noter que les groupes français ne peuvent se passer des américains, les seuls à maîtriser la technique). Elle consiste à injecter à très haute pression de l'eau et près de 600 produits chimiques dans des puits, pour fracturer la roche et libérer le gaz qu'elle contient. Le gaz ainsi récupéré est acheminé vers des usines de traitement, libérant au passage d'autres gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Pour que l'exploitation soit rentable, il faut beaucoup de puits rapprochés, et beaucoup d'eau ! Chaque puits peut être fracturé entre 15 et 20 fois, chaque fracturation nécessitant 200 aller-retour de camions et 7 à 15 millions de litres d’eau, dont seule la moitié est récupérée... L'eau, dont la loi Grenelle précise pourtant dans son article 27 qu'elle est une ressource à préserver. Quant aux produits chimiques utilisés, ils contaminent les sols et les nappes phréatiques. A tout ceci viennent s'ajouter les risques sismiques, actuellement à l'étude, et ceux d'accident, comme aux Etats Unis le 14 janvier, où une explosion a conduit la société Talisman à suspendre toutes ses opérations de fracturation, dans 600 puits.

Tous ces éléments suffiraient à justifier une opposition résolue aux gaz de schiste. Mais notre approche de l'écologie ne se résume pas à l'environnement, et il y a bien d'autres raisons de faire de cette lutte un combat emblématique, rouge et vert. Un combat où il est question de capitalisme vert, d'oligarchie et de révolution citoyenne...

Démocratie et révolution citoyenne contre oligarchie et capitalisme vert. Hervé Kempf, dans son dernier livre, définit l'oligarchie comme le pouvoir exercé par un petit nombre de puissants, liés entre eux par des intérêts partagés, qui décident pour le plus grand nombre en dehors de toute consultation populaire. Et en effet, en France, on retrouve par exemple sur les rangs pour le Bassin parisien la société Toreador, dirigée par Julien Balkany... le demi frêre de Patrick Balkany, député maire de Levallois ! Face à ce mépris et à l'absence de consultation, la résistance s'organise. Des voeux et arêtés municipaux sont adoptés pour déclarer les territoires hors zone d'exploitation, des référendums citoyens se montent. Las, le sous sol français appartient à l'Etat, son exploitation dépend donc du Code minier (que le Conseil des Ministres du 19 janvier a incidemment décidé de « simplifier et moderniser » !), et non du bon vouloir des collectivités. C'est la raison invoquée par la Ministre de l'Ecologie pour justifier que les communes concernées n'aient pas été consultées. Face à ce hold up démocratique, un peu partout en France des collectifs s'organisent. Ils regroupent habitants, élus, associations environnementales. Les citoyens se réapproprient leur destin. Ils se documentent, vont chercher l'information, reconstituent les cartes géologiques, mutualisent les données via Internet, décryptent les documents officiels, organisent des projections débats. On voit des banderoles et des affiches faites à la main fleurir dans les villages, des co-voiturages s'organiser pour aller aux réunions publiques. C'est ainsi qu'on a vu près de 800 personnes à Saint Sernin en Ardèche, où nous en sommes à presque une réunion par jour sur tout le département !

La révolution citoyenne, c'est aussi ça : la convergence entre un mouvement populaire de protestation et des élu-e-s qui prennent leur responsabilité et entrent en désobéissance face à des décisions illégitimes.

Mais dire non aux gaz de schistes ne suffit pas, il faut engager la révolution énergétique, d'urgence ! Tant que nous ne changerons pas nos modes de production et de consommation, les intérêts capitalistes auront tout intérêt à aller chercher toujours plus loin, plus profond, jusqu'à la dernière goutte de pétrole et la dernière bulle de gaz. Quitte à provoquer des catastrophes comme celle de BP en Louisiane... ou les gaz de schiste. Pour éviter le syndrôme NIMBY (not in my backyard, où on ne fait qu'aller un peu plus loin des regards pour polluer plus tranquillement) et empêcher que le même scénario ne se répète dans quelques années, face à la demande croissante en énergie et à l'épuisement des ressources, pour éviter le report vers le nucléaire présenté désormais par Areva comme une énergie « propre » et « décarbonée », bref, si on veut réellement sortir de ce modèle absurde et de la catastrophe écologique, c'est un changement en profondeur qu'il nous faut. Ce formidable élan de résistance et de contestation doit trouver des débouchés politiques, et le PG doit être porteur de propositions alternatives.

Une autre énergie est possible : vite, la planification écologique ! La plus grosse réserve d'énergie, c'est celle qu'on ne consomme pas, les « negawatts ». En combinant sobriété de nos consommations, efficacité énergétique et développement des renouvelables, le scénario Negawatt estime que nous pouvons arriver à une consommation de 130 Mtep en 2050 contre 300 Mtep aujourd'hui. Cela permettrait de sortir à la fois du nucléaire et des énergies fossiles les plus polluantes. Pour cela, le PG propose la planification écologique, inscrite dans le long terme et pilotée démocratiquement, mise en oeuvre grâce à un service public de l'énergie et la renationalisation de Total et d'EDF-GDF.

Action sur le terrain et formulation de propositions de rupture, communiqués, tracts, actions locales, implication des élu-e-s et interpellation du gouvernement, nous serons sur tous les fronts ! Non aux gaz de schiste, ni ici ni ailleurs !

N'oubliez pas de signer la pétition "Gaz de schiste, non merci !"

Et toujours... La gauche par l'exemple :

Préserver l'eau, bien commun de l'humanité

Aux Lacs de l'Essonne, notre camarade Gabriel Amard a mis en place une régie publique de l'eau, cette ressource vitale désormais reconnue comme bien commun par l'ONU grâce à l'action de la Bolivie. C'est au nom de ce droit fondamental que le PG défend également la gratuité des premières tranches de consommation d'eau pour tous. L'eau est une ressource à préserver, elle doit servir à se désaltérer, se laver, cuisiner, pas à injecter des produits chimiques dans la terre !

L'Amérique du Sud nous montre la voie

De plus en plus de voix s'élèvent, en Argentine et en Bolivie notamment, pour sortir du modèle extractiviste et refuser l'accaparement des ressources naturelles par les grands groupes privés. En Rhône Alpes, PACA, Ile de France et Aquitaine, au Parlement européen et à l'Assemblée Nationale, nos élu-e-s défendent le projet équatorien Yasuni ITT qui consiste à ne pas exploiter le pétrole et le laisser sous terre. Et ici on ferait l'inverse ? Ni ici, ni ailleurs !

Haut de page