mercredi 27 avril 2011

Unité de toute la gauche ? De retour de chez Filoche...

Passage obligé des journées de printemps, universités d'été ou d'automne... la sempiternelle table ronde sur « l'avenir de la gauche ». Mais cette fois, le contexte est un peu particulier.

J'étais invitée samedi dernier pour représenter le PG aux journées de Démocratie & Socialisme, la revue du courant de Gérard Filoche, en vite dit : l'aile gauche du PS. Comme à chaque fois, lorsque nous sommes invités à débattre, on y va, et on dit ce qu'on a à dire. Participaient également Benoit Hamon pour le PS, Francis Parny pour le PCF, Willy Pelletier de la Fondation Copernic, Olivier Mollaz pour le NPA. Personne d'EELV, pourtant invités. Pour l'unité, ça démarre mal ^^

Un accueil chaleureux, fraternel même. Entre camarades. Arrivée plus tôt pour sentir l'ambiance et écouter le débat de l'après midi sur la prolongation des mouvements sociaux des retraites, j'ai pu échanger quelques mots avec Filoche avant de grimper sur la tribune.

Trois heures de débat et de feu nourri de questions et d'interpellations, beaucoup concentrée sur le PG et donc sur moi... Sans doute mon discours plus cash que les autres sur ce qu'on pense nous d'une unité de toute la gauche, du NPA au PS (?!) ou de l'organisation d'apéros de rue pour contrer le FN (re ?!). Benoit Hamon qui redit que le débat sur le Traité de Lisbonne et le TCE est derrière nous, les camarades de D&S qui m'expliquent que si c'est Aubry, c'est gagné pour la gauche car Hamon sera derrière, Filoche qui refuse la distinction entre réforme et révolution...

Tout est intéressant, à sa manière, dans ce débat. L'impression d'un ring, parfois. Avec de vieux loups de la politique. Mais j'ai mes propres armes ;)

Entre camarades, on a pu se parler franchement. Je me suis sans doute pas fait que des copains, mais il y avait aussi des sourires ravis dans la salle. Je crois qu'il faut un discours franc et clair, que la Gauche en a besoin. Les discours de façade sur l'unité et les appels la main sur la cœur fleurissent. La gauche de rupture doit relever la tête. Gardons la tête froide, maintenons le cap, ne nous laissons pas faire au chantage. Les diviseurs, c'est pas nous. La défaite de la gauche en 2002, c'est pas nous. L'abstention non plus. C'est tous ceux qui ont oublié de se battre. Le PS, EELV et le FDG ne sont pas porteurs du même projet. Le peuple tranchera.

***

Face à une droite ultralibérale, xénophobe et liberticide, à un an de grandes échéances électorales, présidentielle et législatives, à quelques jours de l'anniversaire du 21 avril qui n'en finit plus de rimer avec vote utile... En pleine montée médiatique du FN et de la pen... Sur fond de medias qui conditionnent l'électeur, à grands coups de sondages, à plus d'un an des échéances, à voter pour le candidat qui serait le plus à même de battre l'adversaire, indépendamment du programme... Daniel Cohn Bendit relance son idée de roquer un candidat EELV à la présidentielle contre des députés, une tribune paraît dans Libé signée entre autres par Gérard Filoche et Willy Pelletier proposant des primaires du programme de toute la gauche et des repas de rue pour « vivre ensemble » face au FN, et un billet sur le blog de Gérard Filoche, encore, propose un candidat unique de toute la gauche.

Il est bon que nous ayions ce débat... Avec Filoche et D&S, nous sommes proches sur de nombreuses questions, notamment sur le fameux « 35, 60, 1600, 20 »...35 heures, retraite à 60 ans, SMIC à 1600 euros, écart de salaire max de 1 à 20. Sans problème. C'est sur la stratégie de mise en oeuvre, qu'on a plus de divergences... On nous propose en gros le raisonnement suivant :

-1 on ne peut pas risquer l'élimination de tous les candidats de gauche au premier tour de la présidentielle

-2 donc il faudrait tous se regrouper sur un programme commun

-3 puis choisir le candidat le plus apte...

Bien. Commençons par le plus simple et levons toute ambiguité. Oui nous sommes pour l'unité, depuis le début. Le PG depuis sa création n'a cessé d'ouvrir en grand portes et fenêtres, faisant de cette unité de l'autre gauche le fer de lance de sa stratégie. Oui, bien sur, il faut une gauche rassemblée, mais une gauche de combat, une gauche en rupture avec la Cinquième République et l'Europe du capital, ses hommes, ses institutions, la Banque Centrale Européenne, la Banque Mondiale, le FMI... Porteuse de mesures de rupture fortes et ambitieuses, seul espoir pour le peuple de retrouver une véritable alternative et non une alternance. Une gauche prête à gouverner, certes ! mais qui quand elle gouvernera saura tenir tête aux puissances financières et aux lobbies... Pas comme Papandréou qui a tenu deux secondes face aux injonctions du FMI.

Gérard Filoche écrit sur son blog, comme première étape, je cite : qu’il y ait un accord sur ce qui fait une « majorité d’idées à gauche » : 35 h réelles, retraite à 60 ans, SMIC à 1600 euros, hausse des grilles salariales, Sécu pour tous, école publique de qualité, services publics élargis et renforcés, blocage des loyers, sortie du nucléaire, une VI° république sociale, parlementaire, démocratique, écologiste, féministe... Ces propositions sont justes et nous les partageons sans réserves. Mais elles impliquent de "gouverner face aux banques". Quel est le plan de sortie de la crise financière que propose le PS ? Son rapport aux institutions européennes et au fameux semestre européen qui impose le visa de l'UE sur les budgets nationaux ? Quelle est sa position sur la politique appliquée par le FMI, l'OMC et la Banque Mondiale en matière d'austérité et de réduction des dépenses publiques ? Sur le Traité de Lisbonne, passé en coup de force honteux, malgré le refus du peuple en 2005, avec la complicité de parlementaires réunis à Versailles ?

Alors oui, toutes les volontés sont les bienvenues dans un Front le plus large possible. Mais en défense d'un programme indépendant du FMI, de la Banque Européenne et des agences de notation.Une 6eme république "sociale, parlementaire, démocratique, écologiste et féministe" ne se fera pas sans ruptures fortes. (Ni sans femmes, d'ailleurs. Je me sentais bien seule à la tribune...)

Elle ne se fera pas non plus si on ne dit pas clairement aux citoyens comment on compte s'y prendre une fois au gouvernement. Il ne suffit pas de dire le quoi, encore faut il dire le comment... Toutes ces mesures impliquent ce que nous appelons, au PG, la révolution citoyenne : des rues aux urnes, c'est à dire de redonner le pouvoir aux citoyens, dans le prolongement des mouvements sociaux, avec la refondation des institutions et la démocratie jusqu'au bout, la tenue d'une assemblée constituante et la 6e république. Avec une planification écologique adossée à des services publics renforcés pour planifier la sortie du nucléaire et la transition énergétique, en liant systématiquement écologie et justice sociale. Parmi nos grands piliers, figure aussi l'abolition du précariat avec par exemple la titularisation de tous les fonctionnaires ; le partage des richesses, avec la hausse du SMIC, un écart max des salaires dans toutes les entreprises de 1 à 20 et le revenu maximum autorisé.

Tout ceci implique, il faut le dire clairement, de sortir du carcan du Traité de Lisbonne et de la « concurrence libre et non faussée » qui nous empêcherait sinon de mettre en œuvre nos propositions. On ne peut pas arriver au pouvoir en 2012 après avoir fait campagne sur la relocalisation de l'économie, créatrice d'emplois et de solutions écologiques, et se contenter de dire aux électeurs qui nous ont fait confiance qu'on ne peut pas à cause des directives de l'Union Européenne ! Quand ces directives vont à l'encontre de l'intérêt général, quand elles n'ont de plus aucune légitimité suite au référendum de 2005, il est de notre devoir de responsables politiques de dire que nous refuserons de les appliquer. Sarkozy l'a fait pour sauver les banques, et nous ne pourrions pas le faire pour sauver le climat, freiner le dumping social et recréer des emplois locaux ?

Dans notre programme figure enfin une politique de paix, avec la sortie de l'Otan et le retrait des troupes d'Afghanistan.

Est ce qu'on est tous d'accord là dessus ? Non, je ne crois pas.

Est ce qu'on doit chercher le plus petit dénominateur commun ? Je ne le crois pas non plus.

La gauche a besoin d'alternative, de reconquête. Elle a besoin de relever la tête, pas de mettre un mouchoir sur ses valeurs et ses exigences. L'heure n'est pas à accompagner le système, mais à l'affronter et à le changer. Les propositions existent, depuis des années que nous discutons, avec tant d'autres, et que nous construisons les esquisses d'une autre société solidaire, républicaine, écologiste et sociale. Ce qui nous manque c'est de devenir majoritaire, le courage et la détermination de prendre le pouvoir. Trop souvent, nous n'y croyons plus nous mêmes et nous comportons en vaincus du système. Le PS s'est résigné, EELV négocie, le NPA reste dans son coin... Tout ceci alimenté par les medias et le refrain du "vote utile", des accusations de division, du spectre du 21 avril. Evidemment, c'est délicat dans ce contexte d'affirmer la nécessité d'un grand rassemblement de l'autre gauche et de candidatures autonomes de la social-démocratie aux présidentielles comme aux législatives. On n'a jamais dit que ce serait facile. Mais c'est la seule voie, camarades !

Nous ne sommes plus en 2002, la crise et le mouvement des retraites sont passés par là. Et on ne lutte pas contre la montée de l’extrême droite en se mentant sur les désaccords politiques à gauche. Pire, cette idée qui  peut paraître d’évidence risque d'accentuer la crise démocratique et l'abstention, et de contribuer à voir basculer vers le FN les tenants de la critique du système. La force du FN, en lien avec la crise de la droite et l'abstention, ne peut être combattue que par la politique, la vraie, celle qui explique le monde et apporte des réponses aux problèmes.

Alors le grand Parti de toute la gauche, cette grande union impossible, comment pourrait elle l'être, de Valls à Besancenot ? je n'y crois pas, et même, franchement ? je ne la souhaite pas. Car je crois qu'il est maintenant temps de clarifier les choses.

… Mais le grand Parti de toute l'autre gauche, oui !

C'est notre objectif depuis la création du PG, qui n'est qu'un outil appelé à se dépasser. C'est ce qui a guidé la stratégie d'alliance du FDG aux européennes, régionales, cantonales qui l'ont vu émerger comme 2e force politique a gauche.

Le Front de gauche est loin d'être parfait. Nous avons nos propres débats, et surtout il se cantonne encore trop à ses trois composantes : PG, PCF, GU. Il est impératif de continuer à le construire avec d'autres forces. La FASE, Convergences et Alternatives ont fait part de leur souhait de participer à cette construction. Aux dernières élections, nous avons fait campagne dans beaucoup de territoires avec nos camarades des Alternatifs, du NPA, de République et Socialisme, du PCOF, de collectifs citoyens locaux, de syndicalistes et d'associatifs qui représentaient la moitié de nos candidats aux régionales et aux cantonales. Il est grand temps d'aller plus loin et de l'ouvrir aux citoyen-ne-s qui ne souhaitent pas rejoindre un des partis qui le composent mais ont envie de participer à cette dynamique.

Parce que le Front de gauche est une force nouvelle. Parce que nous essayons, avec parfois des ratés, peut être, mais avec conviction, d'inventer autre chose. Parce que des citoyens reprennent espoir de voir la gauche radicale, antilibérale s'unir et partir à l'assaut pour battre la droite et changer vraiment la donne à gauche. Parce que d'une élection à l'autre, le FDG se renforce et que de plus en plus d'électeurs s'en mêlent, 250.000 de plus entre les régionales et les cantonales.

En bref, il n'y a aucun raccourci possible pour régler la question qui taraude la gauche depuis 20 ans : accompagnement ou transformation. Nous ne devons pas « dépasser » le clivage gauche droite, mais le faire trancher par le peuple, sur la base de mesures fortes, de rupture, de gauche. Le suffrage universel vaut toutes les primaires. Les élections de 2012 doivent être l'occasion de discuter et de trancher les grandes questions : l'Europe libérale, la répartition des richesses, la précarité, la révolution énergétique... De fait, une primaire de toute la gauche empêcherait d'être précis sur ces questions là. Souvenons nous de l'exemple italien où le candidat désigné par les primaires ne se réclamait même plus de la gauche mais comme "démocrate". Il a été écrasé par Berlusconi.

Aujourd'hui il y a une possibilité de clarifier et d'éviter l'émiettement : construire le FDG avec nous. Contester l'hégémonie du PS à gauche, sortir du seul match entre UMP et PS, redonner goût aux abstentionnistes d'aller voter pour de vrais choix, et ne pas laisser au FN le monopole du rejet du système, eux qui sont en réalité le relais des politiques les plus libérales et liberticides.

Tout ceci nous pouvons le faire, en pesant enfin réellement par le rapport de force social et électoral, avec la volonté de battre la droite et de gouverner. Bien sûr, il faut éviter la division inutile dans les "grandes familles" de la gauche. C'est exactement le sens du Front de Gauche qui s'adresse à toute l'autre gauche.

On a un outil, on a la volonté, on a les idées, alors rassemblons nous ! Et faisons enfin vivre cette gauche de transformation dont notre pays a tant besoin.

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