dimanche 23 octobre 2011

Negawatt, le retour

Je vous avais promis d'y revenir, voici le papier que j'ai signé pour notre revue hebdo "A Gauche" sur le nouveau scénario Negawatt. Et le communiqué du PG est ici, rédigé avec Mathieu Agostini et les camarades du secteur écologie politique du parti. Une rencontre avec Negawatt se prépare, ainsi qu'une réunion de travail avec nos partenaires du Front de Gauche et les syndicats sur le sujet. Et je mets la dernière touche à une tribune pour la rubrique "Clivage" de Politis... Je vous en reparlerai aussi ;)

NEGAWATT, LE RETOUR

Trois ans, au PG, qu'on réfléchit à la transition énergétique. Comment concilier sortie du nucléaire et réduction des émission de gaz à effet de serre ? Comment anticiper la raréfaction du pétrole ? Éviter le recours aux gaz et huiles de schiste ? Refuser la main mise des multinationales sur les énergies renouvelables, parcs d'éolien industriel et projets pharaoniques de photovoltaïque comme celui de Desertec1 ? Tout en assurant le droit d'accès à l'énergie pour tou-te-s ?

Nucléaire, climat, gaz de schiste : nous sommes parties prenantes de tous ces combats, sur le terrain, dans les collectifs, présents dans les rassemblements, dans les associations qui se créent pour refuser ces nouveaux projets et la poursuite du modèle productiviste du « toujours plus ». Mais on ne peut pas toujours être uniquement en contre, au risque que nos adversaires nous disent d'un air moqueur « mais alors, si vous êtes contre le nucléaire, contre le charbon, contre les gaz de schiste et contre l'éolien industriel, comment voulez vous qu'on s'en sorte ? ». Au risque, aussi, de se retrouver dans 1, 5, 15 ans... les mêmes militant-e-s, dans les mêmes salles, avec les mêmes refus. Car tant qu'on n'aura pas inversé la logique énergétique, en basculant de la recherche de nouvelles sources de production d'énergie vers la recherche de réduction des besoins en énergie, on aura toujours en face de nous des intérêts économiques et industriels prêts à forer toujours plus loin pour vendre et répondre à tout prix à une demande croissante.

C'est pourquoi il est indispensable, en ce domaine comme en tant d'autres, de montrer que les alternatives existent, qu'un autre chemin est possible, que « nous on peut ». Et c'est là que le scénario Negawatt entre en scène. Ce scénario est le résultat du travail d'une association qui regroupe des experts et énergéticiens indépendants. Un premier scénario basé sur le triptyque sobriété (on réduit les consommations inutiles, exemple type : les écrans de publicité lumineux) / efficacité (on améliore le rendement énergétique, en rénovant les logements passoires par exemple) / énergies renouvelables (solaire, éolien, géothermie, biomasse...) sorti en 2003 et réactualisé en 2006 avait permis de démontrer qu'il était possible techniquement d'ici 2050 à la fois de fermer tous les réacteurs nucléaires français et de diviser par 4 nos émissions de gaz à effet de serre, tout en créant 684 000 emplois en 20 ans. Un point d'appui intéressant, donc, et une hypothèse de travail sur laquelle le PG a travaillé pour esquisser les voies de la transition énergétique. Il y manquait un volet plus politique, une vision sociale : la planification écologique que nous avons développée avec notre proposition de pôle public de l'énergie et le retour à 100% public d'EDF, GDF Suez, Total et Areva, revisités pour une gestion plus démocratique, une production relocalisée de l'énergie en lien avec les usagers, citoyens, chercheurs, syndicats et associatifs.

Nous avons donc été très attentifs à la sortie du nouveau scénario Negawatt 2011. Et nous avons bien fait ! Si le premier scénario ouvrait la voie des possibles et accréditait la faisabilité technique de nos propositions en matière de transition énergétique, celui de cette année valide largement le contenu de notre programme de rupture en matière de politique énergétique. En effet, les recommandations du scénario 2011 montrent clairement que la transition énergétique n'est possible qu'avec une approche globale associant à l'environnement les questions techniques, sociales, environnementales et économiques. De fait, seule la planification écologique proposée par le PG et plus largement par le Front de Gauche permet la mise en oeuvre de cette approche sur le long terme. Negawatt recommande notamment de sortir l’énergie du marché concurrentiel pour en faire un bien commun fondamental et défend une tarification progressive de l'énergie. Sur la sortie du nucléaire, ils proposent la fermeture du dernier réacteur en 2032, comme le PG, même si eux envisagent un prolongement de certains réacteurs au delà des 30 années de durée de vie initialement prévue, là où nous demandons la fermeture à 30 ans.

Enfin, le nouveau scénario permet de démontrer que les travailleurs ont tout à gagner d’un tel scénario et que les seuls perdants seront les marchés financiers du capitalisme vert ! Car sortir du nucléaire, c'est un immense gisement d'activités pour fermer et démanteler les centrales, gérer les déchets et développer de nouvelles filières industrielles... A condition bien sûr que cela soit fait sous maîtrise publique et avec de véritables plans d'accompagnement. Cette dimension sociale est pour nous essentielle. C'est pourquoi au PG nous serons vigilants à ce que les citoyens les plus vulnérables ne pâtissent pas de mauvaises décisions lors de la mise en œuvre de la transition énergétique, comme pourrait l’être l'instauration d'une taxe carbone ou le choix de privilégier des privations individuelles plutôt qu'un changement en profondeur de notre organisation collective.

C'est là un de nos majeurs points de divergence avec le projet d'EELV qui mise beaucoup sur les comportements individuels sans toujours remettre fondamentalement en cause le système productif capitaliste. C'est ainsi que certains élus d'EELV votent des deux mains des aides publiques au développement des énergies renouvelables, sans poser la question des conditions de travail, de la provenance des matériaux, ni de la pertinence de remettre l'énergie aux mains des opérateurs privés, se retrouvant ainsi à alimenter le marché concurrentiel de l'énergie que la plupart de leurs homologues députés européens ont d'ailleurs voté à l'Union européenne. Un autre exemple : le projet de budget d'Eva Joly, candidate aux présidentielles d'EELV [voir l'analyse qu'en fait JL Mélenchon sur son blog], fait réapparaitre le projet de taxe carbone que nous avons rejeté il y a deux ans, et combattu avec notre proposition de loi sur la fiscalité écologique. Pourquoi taxer les particuliers sur des comportements contraints ? Quelle efficacité de pénaliser ceux qui n'ont pas les moyens de rénover leur logement ni de prendre les transports collectifs, souvent inexistants en zone rurale ? Où est la justice sociale ? Les richesses existent, pas besoin de taxer les plus pauvres ! Il suffit de remettre l'argent non plus au service des plus riches, mais au service de l'intérêt général, en commençant par taxer les revenus du capital au même niveau que ceux du travail et en abrogeant les niches fiscales accordées par Nicolas Sarkozy à ses amis.

Il est donc aujourd'hui de notre responsabilité d'aller plus loin et de prendre le relais politique du scénario Negawatt. De proposer des modalités de financement des orientations validées techniquement par Negawatt, de compléter l’analyse politique et sociale et d'approfondir nos propositions. Nous allons donc poursuivre l'organisation de débats et de rencontres, de travail collectif déjà engagé avec les associations (Greenpeace, Sortir du Nucléaire, les Amis de la Terre, la FNE...) et avec les représentants des salariés du secteur de l’énergie, comme nous le faisons déjà avec la CGT Mines Énergie et Sud Énergie notamment. Nous allons également rencontrer les experts de Negawatt. Et nous allons bien sûr continuer à militer sur le terrain avec les citoyens, élus, associations et collectifs pour que de nouveaux choix de politique énergétique puissent être débattus, en toute transparence, jusqu'au référendum citoyen que le Front de Gauche appelle de ses vœux et qui sera un des axes forts de la campagne 2012. La transition énergétique ne se fera pas sans une forte mobilisation populaire. A nous de jouer !

1 Desertec : 400 milliards d'euros pour installer des dizaines de centrales solaires en plein Sahara, destinées à fournir 15% de l'énergie consommée en Europe en 2025, à base de capitaux privés sous le haut patronage du géant de la réassurance Munich Ré!

Corinne MOREL DARLEUX

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