lundi 13 février 2012

Retour sur les événements en Grèce : vote au Parlement et insurrection dans les rues d'Athènes

Un grand merci à la Commission Europe du Parti de Gauche et singulièrement à Juliette Estivil, Bruno Fialho, Fanfan Bacqué et Céline Meneses pour ce suivi !

Vote au parlement, insurrection dans la rue…

Sur les images retransmises en direct sur plusieurs canaux hier soir, on pouvait voir deux images totalement opposées se juxtaposer : tandis que le débat se déroulait au sein du parlement où la tension était palpable mais l’ambiance « cosy », dehors, c’étaient des images de chaos et d’insurrection: affrontements violents avec la police, des dizaines d’incendies, gaz lacrymogène contre cocktails Molotov… 

Le gouvernement de coalition de Lucas Papademos détient une majorité théorique assez confortable de 236 voix sur 300 au Parlement. Le texte voté, le Premier ministre Lucas Papademos recevra mandat du parlement pour réaliser les réformes d'austérité demandées par le Troïka en échange d'un nouveau prêt d'au moins 130 milliards d'euros. C’est ce qui s’est passé mais à une moins large majorité.

Résultat du vote : 199 députés ont voté pour et 74 contre le mémorandum. Tout le KKE, SYRIZA et la Gauche Démocrate ont voté non, ainsi que 21 députés de la Nouvelle Démocratie et 13 députés du PASOK. Les députés du Laos ont voté Non (leader absent, les deux anciens ministres ont voté oui). Tous, sauf un député, de l'Alliance démocrate ont voté Oui.

Quelques minutes après Antonis Samaras le leader de Nouvelle Démocratie a annoncé l’exclusion des 21 députés ce qui leur laisse donc 62 députés. George Papandreou a exclu 23 députés du Pasok. Pour finir, Voridis Makis et Georgiadis Adonis ont été exclus du LAOS pour avoir voté oui (les deux ex-ministres qui avaient démissionné).

Un extrait du mémorandum voté : « Par cette convention, la Grèce et la Banque de Grèce démissionnent de tout recours, présent ou à venir, de tout droit ou immunité existants ou potentiels qui les concernent, eux et leurs biens ( droits de propriétés ) ».


Déroulement du vote au Parlement

Les débats ont été houleux.

Des députés demandent pourquoi il faut précipiter le vote et qu’il ait lieu avant minuit. Réponse du ministre des Finances, Evangelos Venizelos : «parce que lundi matin, les marchés bancaires et financiers doivent avoir reçu le message que la Grèce peut et va survivre ».

La député du KKE  Aleka Papariga : «Nous ne voulons pas d’une Grèce « sauvée » et d’un peuple en faillite. » Elle  explique que la crise est inévitable dans le système capitaliste, qui est basé sur le profit et la cupidité et que seul le KKE a la solution.

Six députés du Pasok disent qu’ils ne voteront pas ce soir dont l'ancien ministre Kastianidis Haris. Louka Katseli, ancien ministre du PASOK, dit qu'il votera «non» parce que les mesures d'austérité ne peuvent pas sortir le pays de cette récession.

Alexis Tsipras, chef de la Coalition Syriza, déclare qu’ « un système politique qui s'effondre et un gouvernement sans mandat populaire ne peut pas négocier au nom du pays. »

Le député du Pasok Spyros Kouvelis déclare qu'il « siégera comme un indépendant » et qu’il votera non.

Le chef de file du Laos, Yorgos Karatzaferis déclare que son parti votera non, puis lui et ses députés quittent la salle. Les deux députés du Laos (Voridis Makis et Georgiadis Adonis) ont voté oui s’opposant à la position de leur parti qui a décidé de voté non (ce sont les deux ministres du Laos qui avaient démissionné).

Papandréou prend la parole pendant près de 20 minutes déclarant que le vote de ce  mémorandum « c’est le seul espoir pour le pays » et que « c’est l’heure des responsabilités »

Antonis Samaras (leader de ND) condamne « les émeutes » et appelle « à plus de patriotisme ».

Le Premier ministre Lucas Papademos dit que la Grèce doit continuer à être  « un membre du noyau dur de l'Europe ». Il ajoute : "J'ai entendu toutes les critiques sur le nouveau programme, je n'ai pas entendu d'alternatives". "Nous sommes en Etat de droit, nous n'autoriserons aucun acte hors-la-loi" (source twitter)

00h20, heure française, le plan est voté.

Les deux leader du Pasok et de ND avaient déjà menacé d’exclusion samedi les députés qui voteraient non, c’est chose faite.

(Quelques heures auparavant Athens news prévoyait : « jusqu'à 20 députés du PASOK pourraient voter non (…). L'une des théories qui circulent, c'est que ce groupe pourrait former un nouveau parti, en cas d’exclusion.(…) Pour la Nouvelle Démocratie, le nombre de votants « non » potentiels est estimé à environ 13 ».)
 

Retour sur les manifestations : Insurrection dans la rue

Affluence extrêmement rapide à la manifestation devant le parlement. Une demie heure après le début du rassemblement, 3000 manifestants réunissant tous les âges (familles, jeunes, personnes âgées…). Nombreux drapeaux grecs et des pancartes contre la Troïka, le gouvernement, et la chancelière allemande (cf ses derniers propos sur la Grèce). Une heure après déjà 25 000 personnes et cela continuait d’affluer.

Plus tard dans la soirée pendant les débats, Alexis Tsipras de Syriza annonce le chiffre de 500 000 tandis que tous les médias français font état de 100 000 manifestants en Grèce (80 000 à Athènes et 20 000 à Salonique). Des camarades sur place donnent le chiffre de 600 000 sur une population d’un peu plus de 11 millions d’habitants.  Des milliers de personnes de la Place Syntagma, la Place de Omonia et en différents points jusqu’à bloquer tout le centre de la capitale.

Début des heurts : dès 17H45 juste après l’intervention de Mikis Theodorakis. Il explique, juste après avoir reçu des gazs, à la chaîne de télévision Skaï, qu’il a demandé à la police qu’on le laisse monter les marches du Parlement pour s’adresser aux manifestants et c’est là que la police anti-débordement a fait usage des lacrymos.

Intervention de Mikis Theodorakis : "Les députés s'apprêtent à voter des mesures qui vont conduire à la mort de la Grèce (...) mais le peuple ne va pas céder. » Le compositeur, âgé de 87 ans et figure de la résistance à la dictature des Colonels (1967-1974), était venu devant le Parlement avec Manolis Glézos, héros de la résistance anti-nazie en Grèce.

Puis tout s’est enchainé : gaz lacrymogène contre cocktails Molotov, lance flamme et pierres (termes utilisés par les médias « jeunes encagoulés » « émeutiers »). Suivent des  incendies (banques, cinéma, cafétéria des grandes chaînes comme starbucks…)  quelques 12 bâtiments incendiés dans les avenues Stadiu et Aeolu (source Athens News) tandis que les débats se poursuivent. De nombreux de manifestants sont partis mais des milliers sont encore sur place. Les pompiers ont tardé à intervenir expliquant qu’il y avait trop de monde dans les rues.

Un jeune manifestant « ce n’est pas une démocratie, ils nous interdisent de protester, c’est une dictature ». Dans les médias on peut lire alors : situation hors de contrôle.

Le nombre des blessés ne cesse d’augmenter dans la soirée, passant de 6 à plus de 60 vers 22h30 (incendies et heurts violents aussi à Salonique) dont de nombreux policiers (source Publico) quelques 22 arrestations vers 23h selon un porte-parole de la police.

Au moment du vote vers minuit heure française, les heurts se poursuivaient.

Points de base de l’accord sur le nouveau prêt (Memorandum 2) pour la Grèce, concernant l’emploi et les pensions

 


A) EMPLOI

 

L’objectif du nouvel accord est de réduire le coût du travail de 15% jusqu’en 2015, pour que le marché du travail grec devienne plus compétitif en comparaison avec “les pays similaires”, comme le Portugal, l’Espagne et la Bulgarie.

 

CHANGEMENTS DANS LE SECTEUR PUBLIC :

 

- Fin de la permanence du travail (contrats à durée indéterminée) dans toutes les sociétés d’État. Tous les nouveaux contrats seront à durée limitée.

- Révision de toutes les échelles de salaires.

- Réduction des fonctionnaires de 150.000 jusqu’en 2015. 15.000 licenciements d’ici la fin 2012.

- Ratio taux emploi / retraite  : 1/5.
- Programme massif de “réserve d’emploi”.

- Privatisation immédiate des Sociétés publiques des Eaux d’Athènes (EYDAP) et de Thessalonique (EYATH) et de la Loterie publique (OPAP).

 

CHANGEMENTS DANS LE SECTEUR PRIVÉ :

 

RÉDUCTION DE 22% DU SALAIRE MINIMUM DANS LE SECTEUR PRIVÉ

Exemples :

- Célibataire employé venant d’être embauché : de 751,39 euros (avant impôt et cotisations de sécurité sociale) à 586,08 euros.

- Célibataire de 6 ans d’expérience : de 887,99 euros (avant impôt et cotisations de sécurité sociale) à 692,63 euros.

 

RÉDUCTION SUPPLÉMENTAIRE DE 10% DU SALAIRE MINIMUM DANS LE SECTEUR PRIVÉ POUR LES JEUNES (DE MOINS DE 25 ANS)

Exemple :

- Jeune salarié célibataire de moins de 25 ans : de 751,39 euros (avant impôt et cotisations de sécurité sociale) à 510,94 euros (réduction de 32%).

 

RÉDUCTION DE 22% DE L’ALLOCATION CHÔMAGE

Exemple : de 461 euro à 369 euros.

Le nouvel accord prévoit que l’indemnité de chômage ne doit pas dépasser 313 euros. S’il est appliqué, la réduction totale sera de 33%.

 

RÉDUCTION DU SALAIRE D’APPRENTISSAGE

Exemple :

- Apprenti de l’Organisation pour l’emploi public (OAED) : de 530 euros (avant impôt et cotisations de sécurité sociale) à 412 euros.

 

PAS DE REVALORISATION DES SALAIRES TANT QUE LE CHÔMAGE EST SUPÉRIEUR À 10% (le taux de chômage officiel est actuellement d’environ 20%)

Exemple :

- Employé marié sans expérience de travail : de 826,54 euros (avant impôt et cotisations de sécurité sociale) à 644,70 euros en raison de la réduction de 22%. Ce salaire reste le même au moins pour les 5 prochaines années, selon les prévisions officielles du taux de chômage.

 

FIN DU DROIT DES TRAVAILLEURS AU RECOURS UNILATÉRAL À L’ARBITRAGE

Explication :

Une société avec des pertes acquiert désormais le droit de violer les contrats (réduction des salaires et/ou des horaires de travail) unilatéralement, alors que les travailleurs perdent leur droit de bloquer cette violation par le mécanisme d’arbitrage de l’État.

Exemple :

- Employé marié avec 6 ans d’expérience de travail : de 963,13 euros (avant impôt et cotisations de sécurité sociale) 751,21 euros.

 

PROTECTION DES CONTRATS COLLECTIFS : RÉDUCTION DE SON EFFET DE 6 À 3 MOIS

Explication :

Jusqu’à aujourd’hui, s’il n’y a pas accord lors les négociations du “Contrat collectif général national” (EGSSE) et que l’ancien arrive à expiration, alors ce dernier est prorogé de 6 mois. Selon l’accord, cette prorogation est réduite à 3 mois et, s’il n’y a toujours pas d’accord après ces 3 mois, alors la nouvelle base pour tous les salaires est le salaire minimum actuel de l’EGSSE !

 

Conséquences :

S’il n’y a pas accord sur un nouveau EGSSE, alors tous les salaires seront réduits d’après le salaire minimum. Les employeurs retarderont délibérément l’approbation d’un nouveau EGSSE, pour réduire les salaires des employés au niveau minimum. Les employés qui sont proches de l’âge de la retraite seront licenciés et recevront des compensations égales au salaire minimum.

 

Exemple :

- Femme mariée avec 2 ans d’expérience de travail : de 890 euros (avant impôt et cotisations de sécurité sociale) 586 euros.

- Note : les contrats collectifs existants seront annulés un an après l’approbation de la nouvelle législation. Tous les nouveaux Contrats Collectifs auront une durée de 3 ans.

 

B) RETRAITES

Nouvelle loi sur les fonds de sécurité sociale, visant à réduire les dépenses de sécurité sociale de 0,4% du PIB (donc de 600 millions d’euros). Ce qui équivaut à :

 

RÉDUCTION DE 15% DES PENSIONS PRINCIPALES DE LA PUISSANCE PUBLIQUE (DEH), DES TÉLÉCOMMUNICATIONS GRECQUES (OTE) ET DES EMPLOYÉS DE BANQUE

Exemple :

- Retraité fonctionnaire de classe A du DEH : de 1900 euros à 1615 euros.

 

RÉDUCTION DE 7% DES RETRAITES PRINCIPALES DU FONDS DE PENSION DE LA MARINE (NAT)

Exemple :

- Retraité de la NAT : à partir de 900 euros, maintenant à partir de 765 euros.

 

- Remarque : Ces réductions s’appliqueront avec effet rétroactif au 01/01/2012. Nouvelle révision de l’ensemble des caisses de sécurité sociale en juin 2012.

 

RÉDUCTION DES COTISATIONS SOCIALES DE L’INSTITUT DE SÉCURITÉ SOCIALE (IKA) DE 2% EN 2012 ET DE NOUVEAU 3% EN 2013.

Conséquences :

L’IKA perdra au moins 200 millions d’euros en 2012 et 500 millions d’euros de plus en 2013. Si l’on ajoute la réduction des salaires (qui se traduira par des milliards d’euros de pertes de contributions), le déficit annuel de l’IKA atteindra 5 milliards d’euros pour 2012 et 2013.

 

C) SUPPRESSION DES 2 ORGANIMES PUBLICS POUR LE LOGEMENT DES TRAVAILLEURS (OEK ET OEE)

Conséquences :

Ces 2 organisations étatiques offrent des prêts à intérêt réduit aux travailleurs à bas salaire pour l’achat et la réparation des maisons. Leur suppression signifie la fin de ces prêts. Cela se traduira par une détérioration supplémentaire de la situation déjà dramatique dans le secteur du bâtiment et, par conséquent, par la perte de cotisations de sécurité sociale provenant du bâtiment.

 

D) AVANTAGES SOCIAUX

L’objectif est d’économiser un montant égal à 1,5% du PIB en 2013-2015.

Pour atteindre cet objectif, tous les critères pour bénéficier de ces prestations seront rendus beaucoup plus stricts, que ce soit le revenu personnel, le revenu familial et même les pourcentages d’invalidité. Des milliers de citoyens, y compris des milliers de citoyens handicapés, qui vivent sous le seuil de pauvreté, perdront leurs prestations sociales.


Haut de page