jeudi 30 mai 2013

En direct de Rhone Alpes (4) : Coup de colère, agriculture bio, forêts et marché carbone

agriRRA.jpgSession des 30 & 31 Mai 2013

Mise en œuvre de la politique agricole et forêt - bois

Intervention de Corinne Morel-Darleux pour le Groupe Front de Gauche : communistes, Parti de Gauche, Gauche Unitaire & partenaires

Je souhaiterais débuter cette intervention par un petit coup de colère. Le 24 mai dernier, il y a tout juste une semaine, le Conseil constitutionnel a invalidé l'obligation de prévoir un minimum de bois dans les nouvelles constructions. Cette obligation avait été instaurée par décret suite au Grenelle de l'Environnement, notamment au titre du stockage de carbone par le bois et de sa contribution à la lutte contre le dérèglement climatique. Elle permettait également de remplacer des matériaux polluants et non renouvelables issus d’une extraction minière. Mais le lobby du béton est passé par là. Le Syndicat Français de l’Industrie Cimentière et la Fédération de l’Industrie du Béton ont déposé une QPC (question prioritaire de constitutionnalité), et les juges du Palais-Royal ont jugé que cette disposition portait atteinte à la liberté d’entreprendre et n’était pas « justifiée par un motif d’intérêt général » ni n’était « susceptible d'avoir une incidence directe sur l'environnement ». On se pince.

À l’heure où le bois est unanimement reconnu pour ses apports écosystémiques, alors que la forêt représente le deuxième puits de carbone après les océans, que la France s’apprête à accueillir la prochaine Conférence des Parties sur les changements climatiques en 2015, A l’heure où la filière bois française cherche à se structurer pour transformer localement le bois issu de nos forêts, pour favoriser le développement d’emplois non délocalisables et la valorisation d’une ressource renouvelable et de proximité, où le gouvernement prépare une Loi d’avenir sur la forêt, le bois n'apporterait donc rien comme matériau de construction ?

La Fédération France Nature Environnement a immédiatement réagi en appelant les décideurs locaux à « ne pas tenir compte de cette décision et à favoriser systématiquement l’usage du bois partout où des stratégies de lutte contre le dérèglement climatique sont engagées... » et en réaffirmant que la France doit « garantir la cohérence des politiques publiques d’aménagement durable des territoires, pour que la forêt et le bois constituent des leviers de la transition écologique de notre économie ». Je propose qu'on leur envoie notre délibération (sourire). Car nous y sommes.

Cette délibération est en effet pile dans le cadre de la bifurcation écologique et je m'en réjouis au nom du groupe FDG. Mais avant de revenir aux forêts, un mot sur la partie agriculture du texte qui met l'accent sur la relocalisation et l'autonomie alimentaire des élevages, avec notamment la réduction des importations de protéines végétales qui est un de nos chevaux de bataille depuis longtemps. L'adaptation au changement climatique y est présente également, sans oublier le critère « emploi durable ». Même si nous pouvons regretter certaines phrases malheureuses dans le maigre du texte, qui frôlent l'oxymore, comme ce passage dans la partie « écoresponsabilité » où la délibération parle d' « intensifier la production tout en préservant les ressources », comme en écho avec cette autre affirmation selon laquelle « l'augmentation de la population mondiale rend nécessaire l'intensification des volumes de production »... Je me permets de rappeler à cet égard un rapport issu d'une conférence d'experts à la FAO en 2007, qui concluait à l'apport essentiel de l'agriculture biologique en terme de sécurité alimentaire, d'agro-biodiversité ou encore d'adaptation au dérèglement climatique. Rappelons également que l’agriculture intensive vit aujourd’hui sur les bas prix du pétrole, et que demain les bras seront plus économiques que les machines… Mais enfin, pour toutes les raisons évoquées au début de mon intervention nous voterons en faveur de cette partie du rapport.

Tout comme nous voterons celle consacrée au soutien régional à la filière bois-forêt. Avec d'autant plus de plaisir que les remarques et critiques que le FDG avait formulées lors de l'adoption de la délibération cadre en décembre dernier, au cours de laquelle nous avions refusé le mécanisme des itinéraires sylvicoles, ont été entendues et intégrées. Même si nous continuons d'être dubitatifs sur l'idée même de « compensation carbone » car les émissions immédiates de gaz à effet de serre et la plantation plus lente de végétaux qui ne permettront de stocker le carbone qu'à maturité ont des effets qui ne se mesurent pas sur la même échelle de temps, sans compter la bonne conscience verte achetée à peu de frais et l'idée de puits carbone n'incitant pas à changer de comportement... Mais enfin le cadre posé va dans le bon sens. Prise en compte des services écosystémiques, de l'atténuation climatique avec le choix des essences et de l'adaptation notamment en zone de montagne, et surtout par rapport au risque que nous pointions de créer un nouveau mécanisme financier spéculatif : il n'y aura pas de fixation du prix de la tonne de CO2, mais une évaluation des coûts de ces opérations sylvicoles, en regard aux tonnes de CO2 captées. L'exclusion des bénéficiaires du marché réglementaire des quotas de CO2 et le principe de « pot commun » régionalisé font qu'il n'y aura donc pas d'entreprise ou de collectivité pour choisir de financer telle ou telle forêt, plus verte et plus jolie, ni de certificats ou de quotas monnayables en circulation sur le marché du CO2, mais bien une répartition des fonds en fonction de l'intérêt durable de nos forêts rhonalpines, décidée par une structure régionale, et sans lien avec la bourse carbone.

Enfin, nous nous réjouissons du travail important de coopération dans ce projet avec les communes forestières, le CRPF et l'Office National des Forêts. Je tiens à en profiter pour rappeler, en conclusion, qu'en décembre 2012 nous avons adopté un vœu interpellant l’État pour "sauvegarder le service public de l’Office National des Forêts dans son rôle majeur de préservation et de gestion de la forêt par l’arrêt immédiat des suppressions de postes, la suspension de la mise en œuvre du contrat d’objectifs 2012-2016 et sa révision pour ces prochaines années". Espérons que ce nouveau texte permettra aussi d'appuyer cette revendication essentielle pour l'avenir de nos forêts.

Merci.

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