dimanche 9 février 2014

Elections à Tokyo, JO, nucléaire, et le sale jeu du gouvernement français #脱原発 • Ecosocialisme au Japon, épisode 4 #エコソシアリズム

nuke6.jpg[Edit : le favori du gouvernement pro-nucléaire Yoichi Masuzoe vient d'être élu gouverneur de Tokyo avec 43% des voix, suivi à 20% par le candidat antinucléaire Kenji Utsunomiya soutenu par le PCJ - Abstention à 53%...]

Aujourd'hui est un dimanche d'élections à Tokyo, où se joue principalement la prise en compte ou la mise sous le tapis de la question nucléaire dans la préparation des Jeux Olympiques de Tokyo en 2020.

Las, à 17h il n'y avait que 28,23 % de participation, soit 12 % de moins que la dernière fois. Il faut dire que nous avons connu ici une tempête de neige comme le Japon n'en avait pas connu depuis un demi-siècle. Ce matin le soleil était revenu, et l'heure était aux pelles et au dégel, mais les rues sont encore glissantes et beaucoup de personnes, âgées notamment, avaient prévu de rester chez elles.

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Pour ces élections au gouvernorat de Tokyo, quatre candidats sont en lice.

Un ancien Premier Ministre, soutenu par un autre Ancien Premier Ministre, libéral, qui se positionne pour l'arrêt du nucléaire. Sa sincérité est mise en doute et il se trouve hum, un peu empêché par le fait qu'il ait du démissionner sur fond de corruption il y a quelques années. Le fait intéressant néanmoins est que sa prise de position contre la réactivation des réacteurs nucléaires, électoraliste ou pas, fait clivage à droite et dessine une nouvelle ligne de démarcation dans la politique Japonaise.



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Le candidat favori, ancien Ministre, est soutenu par le Premier Ministre Shinzo Abe, par les medias dominants, le syndicat majoritaire et pro-nucléaire, et le Parti libéral démocrate (PLD). Il est détesté dans son parti, passe pour un aventurier opportuniste pour avoir quitté le PLD, tenté de créer un autre parti, puis être revenu, mais faute de candidats il a finalement été désigné.

Il y a également un candidat d’extrême droite, courant qui se caractérise ici principalement par le fait nationaliste, le révisionnisme historique et l'extase militaire, et moins comme on le connait en Europe sur la xénophobie. Ces points étant d'ailleurs partagés par Shinzo Abe, qui par ses provocations, du déni de l'esclavage sexuel par l'armée japonaise à la visite du sanctuaire Yaskuni, est en train de provoquer des réactions en chaine diplomatiques, et place son pays au bord de la crise avec la Chine et la Corée.

nuke2.jpgEnfin, il y a Kenji Utsunomiya, le candidat soutenu par le Parti communiste, les Verts japonais et de nombreux collectifs. Je l'ai croisé au rassemblement antinucléaire vendredi soir où il a également pris la parole. Clairement antinucléaire, ancien président de la fédération japonaise des avocats, ce magistrat respecté propose de sortir Tokyo du nucléaire, de défendre l’emploi et de lutter contre les heures supplémentaires impayées. Il a bien entendu tout le soutien du PG (voir ici le très complet billet de mon camarade François Delbrayelle sur ces élections à Tokyo).


Les JO de Tokyo, c'est un budget de 8 milliards d'euros. Beaucoup plus de retombées attendues. Et toutes ces belles personnes n'ont aucune envie que M. Utsunomiya, les victimes de Fukushima et les antinucléaires viennent jouer les trouble-fêtes.

nuke5.jpgTokyo n'est pourtant qu'à 230 km de la centrale de Fukushima Daiichi, dont des tonnes d'eau radioactive continuent de s'échapper vers l'océan Pacifique. Or l'an dernier on a trouvé du poisson pêché à 40 km de la centrale avec une teneur de substances dangereuses dépassant de cent fois la norme.

Mais tout cela n'a pas empêché le Premier ministre de nier devant le Comité international Olympique JO l'existence du moindre problème sanitaire : "Elle (la centrale) n'a jamais fait et ne fera jamais de dommages à Tokyo. Il n'y a pas eu de problème sanitaire jusqu'à maintenant et il n'y en aura pas à l'avenir. J'en fait la déclaration devant vous de la façon la plus emphatique et sans équivoque". Sic. Las, le potentiel commercial l'a emporté une fois de plus, et le CIO a désigné Tokyo pour ces JO de 2020.

nuke1.jpgCette élection percute également le débat qui anime le pays sur la remise en fonctionnement des réacteurs nucléaires. Depuis la catastrophe de Fukushima, ils sont tous à l'arrêt. Deux ont été rouverts, puis refermés suite à une inspection de sécurité. Mais la compagnie Tepco, non contente de continuer à faire des profits alors que les victimes de Fukushima attendent toujours les aides promises, a l'intention de remettre en route 16 réacteurs au Printemps.

Avec le soutien du Premier Ministre Abe et du gouvernement français qui, de Sarkozy à Hollande, n'a de cesse de venir vanter les mérites du nucléaire au japon. C'était l'objet du tout premier déplacement en juillet 2012 du nouveau Ministre des Affaires Etrangères Fabius pour vanter le combustible Mox d'Areva.

nuke3.jpgEt re-belote avec la réception officielle par Shinzo Abe de François Hollande en juin dernier pour appuyer le démarrage de la centrale de retraitement de Rokkasho-Mura, construite en partenariat avec le groupe français Areva, et vanter l'export de l'"excellence française" en matière de nucléaire.

Pardon ? Ce serait ça l'excellence française ? Pas en notre nom. C'est le sens du message de solidarité que j'ai adressé au peuple Japonais devant la Diete, l'Assemblée Nationale japonaise, vendredi soir à l'occasion du rassemblement pour l'arrêt du nucléaire qui y a lieu toutes les semaines depuis la catastrophe de Fukushima. Message que je ne cesserai de marteler ici au Japon. Pas en notre nom.

Illustration : La revue dessinée 02, Hiver 2013-14, Emmanuel Lepage "Les plaies de Fukushima"

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