vendredi 30 janvier 2015

Du Vercors à Lyon, 48 heures de débats et de votes (récit de session)

Je sors de session régionale sur le budget 2015 de la Région Rhône Alpes. Le dernier de cette mandature.

clairobscur.jpg48 heures de débats et de votes... Moins une matinée.

J'écrivais il y a quelques semaines que les lycéens du Diois trépignaient en attendant la neige pour aller skier sur le Vercors. En y repensant oh j'en ai maudit l'ironie, ce jeudi matin en voiture vers Die. En pleine session la veille, le Président de Région avait pris la parole pour annoncer qu'il y avait eu un accident mortel sur le Vercors impliquant des lycéens de Die.

Tout ce qui a suivi est nimbé d'un brouillard de douleur, de tristesse et de pluie, sur lequel je ne souhaite pas m'étendre ici. Le lendemain nous avons donc fait l'aller-retour pour être présents sur place, la vice-présidente et moi-même en tant qu'élue siégeant au conseil d'administration, assurer de notre soutien les enfants, les enseignants, administratifs et les familles, tous ceux qui ont été touchés de plein fouet. Nous avons accueilli les lycéens de retour du Vercors après une nuit éprouvante. Refusé de répondre aux journalistes. Croisé dans la cour du lycée tant de regards rougis par les larmes. Et laissé les professionnels de la cellule de crise faire leur travail d'accompagnement. Le retour en session budgétaire a été un peu surréaliste. Mais il a bien fallu s'y replonger.

48 heures de débats et de votes sur le budget... Enfin pas pour tout le monde.

Sur les 73 amendements soumis au débat et au vote de l'assemblée, la droite en a déposé... Zéro. Et a annoncé dès le début de la session qu'ils ne prendraient part à aucun vote sur le budget - pour finalement voter un seul amendement du PRG pour la diffusion en langue des signes des assemblées plénières. On n'en n'est plus à une posture politicienne près, la campagne est bel et bien lancée. Bel effort, merci.

Le Front national de son côté ne s'est pas foulé non plus : diminution des lignes ouverture à l'international, culture, parcs naturels régionaux, énergie climat, prévention, santé des jeunes... Et suppression pure et simple du plan régional pour la jeunesse, des aides aux syndicats, des lignes démocratie participative, égalité femmes-hommes ou encore lutte contre les discriminations. Et tout ça pour quoi ? Pour réaffecter les sommes au remboursement de la dette. Oui, vous avez bien lu. Sans vergogne lorsqu'il s'agit de récupérer la victoire de Syriza en Grèce, les élus du FN font exactement l'inverse ici. Et cela ne leur pose pas de souci que la Région Rhône-Alpes rembourse plus de 61 millions d'euros annuels pour ses seuls frais financiers. Millions qui vont directement dans les poches des actionnaires : la Société Générale, un de nos créanciers, a versé 908 millions de dividendes aux actionnaires en 2013 et possède 139 filiales dans des paradis fiscaux. Classe.

dette.jpgNous avons donc, quant à nous, déposé à l'inverse un amendement demandant de ne pas verser ces 61,5 millions d'euros aux banques. Un juste retour des choses que j'ai défendu en séance, hélas sans soutien suffisant pour le faire adopter (quoiqu'avec le vote, notable, de la moitié des élus EELV). Cela m'a fourni l'opportunité de souligner l'absurdité de ce système où pour économiser il faut s'endetter, du pur Orwell. En effet, forcément quand on "économise" sur les dotations de l'Etat, on pousse les collectivités à emprunter, ce qui aggrave leur endettement puisque cette année les frais financiers à eux seuls correspondent aux deux-tiers du montant du remboursement de la somme réelle empruntée ! Soit 61,5 millions d'euros. On pourrait en faire des choses avec ça... Le plus absurde dans tout ça, c'est que ces politiques d'austérité ne marchent nulle part : Grèce Italie, Portugal, Irlande et Espagne : dans toute la zone euro, la dette a explosé depuis 2008.

Alors en attendant que la victoire de Syriza porte ses fruits dans toute l'Europe, et puisque nous n'avons pas ici à la Région la possibilité de modifier les statuts de la Banque centrale européenne (BCE),il y a en revanche une chose que nous pouvons faire : nous questionner, a minima, sur la pertinence de donner 61,5 millions d'euros à des banques dont le seul travail a consisté à avancer de l'argent qu'elles empruntent... à la BCE, pour des taux quasi-nuls ! Nos 61,5 millions ne seraient-ils pas mieux utilisés dans cette période difficile, dans l'économie réelle de la Région, celle qui répond aux besoins réels des gens ? Des besoins il y en a. Il suffit de sortir dehors, de reprendre nos amendements pour s'en apercevoir.

"Tous doivent participer à l'effort" parait-il. Alors nos créanciers aussi. Voilà, c'est clair. Les banques ont été renflouées par des fonds publics, à leur tour de contribuer.

48 heures de débats et de votes... Qui préfigurent ce que pourrait être un budget écosocialiste en Région

J'ai par ailleurs défendu et voté de nombreux amendements déposés par les élus des groupes Front de Gauche et Europe Écologie les Verts. Je ne vais pas en faire ici la liste exhaustive, mais pour ceux qui me tiennent le plus à cœur, je les mentionne ci-après. Au final, même si nous avons réussi à conserver un budget à peu près constant cette année encore, et malgré l'énorme travail que nous avons mené sur les amendements budgétaires depuis des semaines, on reste de toute évidence dans un contexte d'austérité nationale et de politique régionale du PS focalisée sur une écrasante priorité au développement économique et bâtie d'aides au privé. Je n'ai donc pas voté ce budget et me suis abstenue tout comme deux autres élus du groupe, Elisa Martin (PG) et Armand Creus (Ensemble).

J'ai soufflé et évidemment soutenu avec plaisir notre vœu sur la réforme de la fiscalité, dans la partie « recettes » de la Région. Rappelons que le seul levier dont nous disposons régionalement c'est les cartes grises, alors que le gouvernement réduit encore de 4 milliards d’euros ses dotations. Et ce alors que nos collectivités réalisent 70% des investissements publics du pays.

Alors puisqu'il faut faire des économies, allons-y. Nous avons proposé l'arrêt des subventions publiques aux lycées privés (5 millions), le non-remboursement des intérêts de la dette (61,5 millions) ou encore le redéploiement à hauteur de 7 millions des aides aux entreprises qui bénéficient déjà du crédit impôt recherche ou du CICE (crédit impôt compétitivité emploi), également soutenu par EELV.

Voilà de quoi financer des mesures d'urgence et de bouclier social : l'augmentation des rémunérations des stagiaires, des aides à la restauration des lycéens, au logement des populations les plus précaires, au départ en vacances des jeunes les plus démunis. Autant d'amendements que nous avons défendus âprement. Tout comme de continuer à investir pour l'avenir, auprès des jeunes, pour la vitalité en zone rurale, pour le bien-vivre en Rhône Alpes  : équipements des lycées, soutien aux festivals et élargissement des publics en matière de culture, aux services publics de proximité, à la rénovation thermique des bâtiments, mise en place d'une consultation citoyenne sur la fusion avec l'Auvergne, développement des lycées éco-responsables, refus de la baisse du budget pour les objectifs du millénaire pour le développement, développement de l'agriculture bio, ou encore mise en place d'une expérimentation de la méthanation.

J'ai également voté en faveur de l'expérimentation d'un revenu universel en Rhône-Alpes proposée par EELV et de l'arrêt de la cotisation de la Région au comité pour la transalpine qui est l'organe du projet de ligne Lyon-Turin tant décrié, en France comme en Italie.

Je veux enfin dire un mot tout de même de la session ordinaire qui s'est tenue avant le débat budgétaire, consacrée notamment à la convention TER avec la SNCF. Un enjeu majeur de maintien du service public du rail et d'amélioration du service aux voyageurs, sur lequel nous nous heurtons en permanence aux logiques de découpage de l'entreprise SNCF et de libéralisation du rail, dont les dégâts pour celles et ceux qui prennent le train sont plus visibles chaque jour.

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