A l’heure de l’ouverture de la Cop21 sur le climat et de la multiplication des assignations à résidence, perquisitions et autres mesures d’interdictions de la mobilisation citoyenne, voici la tribune que nous avons rédigée sur le Huffington Post, initialement publiée le 12 novembre avec Julien Bayou suite à notre action collective de “Faucheurs de chaises” qui se faisait l’écho d’un appel publié dans Libération, soutenu par de nombreuses personnalités en vue du sommet climat de la Cop21, pour alerter sur la nécessaire lutte contre les paradis fiscaux.

Voir aussi l’article de Libération sur cette action : «Cueillette» de sièges contre l’évasion fiscale dans une banque lyonnaise, le communiqué du Rassemblement citoyen, écologique et solidaire à ce sujet : 3 chaises réquisitionnées et 11 militants embarqués par la Police pour « fauchage de chaises » et plus récemment, concernant les conséquences de la prolongation de l’état d’urgence et la répression qui s’installe à l’encontre des militants : Annulation des marches pour le climat, arrestations abusives des militants : plus que jamais mobilisons-nous !

Voler des chaises pour le climat, la mesure anti-paradis fiscaux

“On a pensé appeler le GIGN et puis on s’est dit qu’on allait gérer”. Dans le panier à salade qui nous emmène au commissariat du 2ème arrondissement de Lyon, les policiers sont amusés. Appelés par la banque HSBC ils ne s’attendaient pas à ce type de braqueurs : des militants du climat et de la lutte contre l’évasion fiscale. Ni à ce butin : trois fauteuils club.

En entrant dans la banque, nous répondions à l’appel à “faucher des chaises pour le climat”. A la veille de la COP 21, dans l’esprit de l’action non violente et de la désobéissance civile, tous les citoyens sont appelés à agir contre les paradis fiscaux afin que les 196 pays, membres des Nations unies, trouvent d’urgence 100 milliards d’euros contre le réchauffement climatique. Et à aller récupérer dans les banques 196 chaises. Cette mobilisation fait suite à l’action de l’organisation écologiste basque BIZI qui avait réquisitionné des chaises de l’agence HSBC à Bayonne dans la foulée des révélations sur le rôle de la banque dans l’évasion fiscale : entre novembre 2006 et mars 2007, 5,7 milliards d’euros provenant de contribuables français ont transité via HSBC vers des paradis fiscaux.

Le décalage entre les suites données par la police aux deux affaires est ubuesque : pour BIZI, convocations pour “vol en réunion”, perquisitions, … quand les dirigeants de la banque n’étaient pas inquiétés outre mesure et que la banque n’a toujours pas remboursé les sommes colossales qu’elle a soustraites aux impôts. Cet argent nous en avons besoin pour nos services publics mais également pour contrer le dérèglement climatique.

Dans moins d’un mois, la France accueillera la conférence climat et la question du financement du fonds vert pour le climat est un des points qui pourrait faire capoter l’accord : les pays du Nord peinent à trouver 100 milliards pour aider les pays du Sud à s’adapter. Cet argent, nous maintenons qu’il est disponible, à portée de main, dans les paradis fiscaux. Pour la France, le manque à gagner est estimé entre 60 et 80 milliards d’euros. Pour l’Europe, c’est 1000 milliards mais les gouvernements traînent les pieds pour prendre les mesures qui s’imposent.

C’est pour cela que nous appelons à ces mouvements de désobéissance citoyenne : des actions pacifiques, assumées à visage découvert.

Et à ceux qui nous disent que la place d’un-e élu-e n’est pas dans une banque à réquisitionner des chaises, nous répondrons que pour nous, c’est au contraire un honneur de soutenir et participer à cette mobilisation en tant qu’élus… tout en menant la bataille dans l’institution puisque nous avons chacun fait adopter dans nos régions le principe de désavantager les banques qui ont des filiales dans les paradis fiscaux. Il faut aller plus loin dans la prochaine mandature régionale et au niveau national obtenir que l’Etat fasse enfin ce que les régions ont initié : que ce soit par le CICE ou le pacte de responsabilité, nos impôts ne doivent plus financer la BNP et ses 171 filiales dans les paradis fiscaux.

Pour celles et ceux qui participaient pour la première fois à une action de ce genre, on en ressort convaincu de mettre le doigt sur le problème. Celui de l’inaction des pouvoirs publics, Bercy en tête, face à l’évasion fiscale.

Car le décalage était frappant, à nouveau, entre les moyens dérisoires consacrés à la lutte contre l’évasion fiscale et ceux dédiés à la lutte contre les braquages de chaises. Plus de policiers que de militants, déployés en quelque minutes. Les policiers eux mêmes en convenaient. À une militante qui regrettait d’être emmenée en vulgaire fourgon plutôt qu’avoir droit à un hélicoptère, la réponse, sur le même ton ironique, n’a pas tardé : “ah non ça c’est pour les vols de table uniquement”…

Mais pour trois chaises, comptez quand même une dizaine de fonctionnaires et une à deux heures d’audition libre. Nous n’avions rien à déclarer et avons évidemment refusé de nous soumettre au prélèvement ADN. Cette demande de soumettre à un tel test, pour figurer dans un fichier qui à l’origine ne devait concerner que les délinquants sexuels graves (pédophiles, violeurs), est en soi une humiliation et une atteinte à la dignité de tous les militants à qui cela est demandé.

Tant pis si nous pouvons être poursuivis pour ce refus.

Et en attendant, il reste quelques semaines avant la Conférence climat, et quelques chaises à réquisitionner pour atteindre le compte. Soyons nombreux et mobilisés.