Gaz de schiste, projets inutiles, bitume : la droite au pouvoir en Auvergne-Rhône-Alpes

Chronique du Diois n°17 publiée le 15 janvier sur Reporterre

Aux élections de décembre, la droite et Laurent Wauquiez ont pris le contrôle de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Les premiers signes des politiques qui seront menées ne sont pas encourageants pour les acteurs sociaux, ceux de la culture ou encore les défenseurs de l’environnement.

Les résultats des élections régionales avec la victoire écrasante de Laurent Wauquiez dans la région Auvergne-Rhône-Alpes a provoqué, selon les niveaux d’engagement, des réactions de stupeur, d’inquiétude ou de découragement dans nos rangs. Malgré les bons scores de notre Rassemblement citoyen écologiste et solidaire dans le Diois et la vallée de la Drôme, nous avons désormais ici une mairie de droite, un département de droite et une région de droite. Voilà.

Concrètement, ça change quoi ?

Au cours du dernier mandat, on avait réussi, avec les élus écologistes, à demander l’abrogation du permis de Montélimar pour les gaz de schiste et à faire adopter par la région le refus de toute extraction quelle que soit la technique utilisée, on avait obtenu le soutien à feu le projet Yasuni ITT, imposé de ne pas financer d’autoroute. On avait suspendu le projet de gare TGV d’Allan, vérifié que le projet de Center Parcs à Roybon n’était pas dans le volet isérois du contrat de plan État-région. Il y avait une délégation à l’exécutif dédiée aux thématiques énergie-climat, largement inspirée du scénario Negawatt avec un objectif de massification de la rénovation de l’habitat et un programme de lutte contre la précarité énergétique, ainsi qu’une délégation spéciale à la protection du foncier agricole…

Le climat, l’économie sociale et solidaire et la coopération internationale disparaissent de la liste des délégations de l’exécutif régional 

Tout ça risque fort de voler en éclats. On ne sait pas encore comment les choses vont s’organiser précisément à la région, pour l’instant nous n’avons ni règlement intérieur, ni commission, ni désignation, mais la liste des vice-présidents de M. Wauquiez donne déjà le ton : le député européen Brice Hortefeux à l’aménagement du territoire, le député Philippe Meunier à « la sécurité, les partenariats transnationaux, la chasse et la pêche ». Oui, oui, celui-là même qui voulait armer les parlementaires en novembre juste après les attentats [Laurent Wauquiez a supprimé les téléphones des élus, va-t-il les remplacer par des Beretta ?]. Le climat, l’économie sociale et solidaire et la coopération internationale disparaissent de la liste des délégations de l’exécutif régional. La santé n’est désormais plus intégrée à la question de l’environnement mais à la famille, et confiée à une femme. Tout un symbole…

Alors naturellement, cela s’ajoutant aux promesses de M. Wauquiez de supprimer les aides aux métiers des arts du cirque qui, selon lui, ne sont pas de « vrais » métiers, les premiers à manifester leur inquiétude dans la Drôme sont les acteurs sociaux, ceux de la culture, de la solidarité internationale, et les associations de défense de l’environnement. Du coup, en attendant que soient mises en place les commissions, en attendant de savoir si je pourrai, en tant qu’élue de l’opposition, continuer à siéger au conseil d’administration du lycée et dans mes autres délégations, je débute une tournée de consultations. Avec le théâtre de Die, soucieux du renouvellement de sa labellisation de scène régionale, un des acquis du dernier mandat ; la radio indépendante RDWA, pour rendre compte de ce tout début de mandat sur les ondes locales ; une compagnie artistique de la vallée, pour envisager ensemble la suite ; l’ancien rapporteur à l’ONU sur le droit à l’alimentation Olivier de Schutter, qui vient à la fin du mois dans le Diois réaliser une enquête avec d’autres chercheurs sur les alternatives dans notre vallée.

Et puis hier, un débat sur la transition énergétique avec l’École des cadres de la Capeb Drome-Ardèche, l’économie de proximité du bâtiment. Une vraie bouffée d’oxygène, avec des artisans qui ont tout compris à l’importance sociale et climatique de leur métier. Des maçons, plâtriers, charpentiers, couvreurs, chauffagistes et plombiers entrés de plain-pied dans les enjeux à la fois économiques, de lutte contre la précarité et d’économies d’énergie. Le constat est simple à résumer : les besoins existent, l’offre aussi, avec des groupements d’artisans qualifié. Le hic, c’est la demande : les gens n’ont pas de sous. Et apparemment l’Anah, l’Agence pour l’amélioration de l’habitat, non plus. Rien que dans la Drôme, c’est un stock d’un an et demi de projets à destination de petits bailleurs privés qui reste coincé faute de pouvoir avancer la trésorerie. L’effet de levier en terme de création d’emplois est pourtant énorme : 500 millions d’euros d’investissement au niveau national, ce serait 1 milliard de travaux pour la rénovation et les économies d’énergie ! Les devis sont prêts, les relais locaux pour l’amélioration du logement également, les artisans aussi. Et on attend.

Le retour du grand projet inutile et coûteux de la gare TGV d’Allan

Pendant ce temps, le tribunal administratif de Cergy décide de redonner à Total son permis d’extraction des gaz de schiste au sud du département. Le nouveau président de région, M. Wauquiez, veut construire du bitume et du kilomètre d’autoroute à foison. Le nouveau vice-président en charge du tourisme, également maire de Valence, M. Daragon, annonce qu’une de ses priorités sera de relancer le grand projet inutile et coûteux de la gare TGV d’Allan, notre réplique locale du séisme Notre-Dame-des-Landes. Estimé initialement à 75 millions d’euros puis réévalué par Réseau ferré de France [1] à 230 millions, dévastateur de 70 hectares de terres agricoles en pleine Drôme provençale, et ce alors que le département dispose déjà de deux gares TGV à Valence et d’une autre à Montélimar, tout près de celle d’Avignon. Allez comprendre…

Tous ces gens doivent vivre sur une autre planète. Ils n’ont sans doute pas lu le rapport de l’ONU indiquant que 25 milliards à 40 milliards de tonnes de sol meurent chaque année, et qu’un tiers des terres arables sont menacées à travers le monde par l’érosion et la pollution. Ni suivi les débats de la COP 21, ni bien sûr participé aux forums Alternatiba, ni même lu les rapports du Giec. Sur une autre planète…


[1] RFF est devenu SNCF Réseau le 1er janvier 2015.


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Source : Corinne Morel Darleux pour Reporterre