Tribune croisée publiée le 23 avril sur Reporterre

   « Allo Vinci ? C’est bon, l’A45, c’est signé.
    — Aaah ! M. Wauquiez… Opération rondement menée. On ne vous remerciera jamais assez. »

Résumé de l’affaire : en plein jour de signature de la COP21 et d’autocongratulations à New York, le gouvernement entérine la nouvelle autoroute A45 [1] et l’offre à la société Vinci avec la complicité de M. Wauquiez [le président Les Républicains de la région Auvergne – Rhône-Alpes].

Ce dernier engage donc, en dehors de tout vote démocratique, la région Auvergne – Rhône-Alpes à mettre au pot 100 millions d’euros, après avoir répondu, il y a toute juste une semaine en session, suite à notre amendement budgétaire contre l’A45, les yeux dans les yeux à notre groupe des élus du Rassemblement et aux collectifs présents, que la somme n’était « pas affectée ». C’est juste… inouï.

Et, cerise sur le gâteau : c’est Vinci qui vient à nouveau de rafler la mise, comme l’a annoncé mercredi 20 avril M. Vidalies [le secrétaire d’État aux Transports]. Logique après tout. Vinci est devenu le spécialiste préféré des oligarques qui nous dirigent pour tirer profit de Grands Projets inutiles imposés financés par l’argent public. Tout comme à Notre-Dame-des-Landes, voilà un projet couteux et nuisible, sur des terres arables, et alors que des alternatives existent.

Mais ici aussi les opposants sont nombreux et organisés, et nous menons la bataille à la region. Sans rien lâcher.

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L’État n’a pas d’argent pour sa Justice mais en trouverait pour construire une autoroute

Maurice Fisch est coprésident de l’association Sauvegarde des Coteaux du Lyonnais. Il s’exprime au nom de celle-ci et des associations Sauvegarde des Coteaux du Jarez et Sauvegarde du Pays Rhône-Gier.

Le 21 avril 2016

Le Garde des sceaux, ministre de la Justice, monsieur Jean-Jacques Urvoas, a déclaré récemment — avec beaucoup de courage — que les fonds dont il dispose ne permettent pas le fonctionnement normal des services placés sous sa responsabilité.

Les délais de traitement des dossiers s’allongent exagérément tout comme le laps de temps mis pour honorer les factures établies par les prestataires du ministère de la Justice.

Cette situation engendre des difficultés financières qui atteignent leur paroxysme lorsque l’accumulation des sommes impayées, représentant une dette de 170 millions d’euros, provoque la faillite, par exemple, d’un spécialiste de la recherche scientifique dont la justice appréciait le savoir-faire mais était dans l’incapacité de le rémunérer.

Au même moment, devant l’Assemblée nationale le mercredi 30 mars 2016, monsieur Alain Vidalies, secrétaire d’État aux Transports, « heureux d’être porteur de cette bonne nouvelle », confirme — pour valider le projet autoroutier A45 — une subvention d’équilibre de 845 millions d’euros, partagée entre l’État (50 %), le département de la Loire (25 %) et la métropole de Saint-Étienne (25 %).

Le même membre du gouvernement mentionne l’engagement écrit de monsieur Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne – Rhône-Alpes, formulé avant toute délibération, qui correspond à une participation « d’au moins 100 millions d’euros » au financement de la construction de cette aberration pour alléger la part de ses amis ligériens.

L’État n’a pas d’argent pour sa justice mais en trouverait pour construire une deuxième autoroute — en parallèle et à seulement quelques kilomètres de la première — et ainsi artificialiser, de manière irréversible, quelque 500 hectares de terres agricoles et d’espaces naturels. C’est inacceptable.

Les collectivités de la Loire susnommées, qui sont disposées à payer chacune 211 millions d’euros, sont déjà surendettées ; quel nouvel emprunt « toxique » devront-elles donc contracter ?

Par ailleurs, selon la loi Notre, ni le département de la Loire, ni la métropole de Saint-Étienne, ni la région Auvergne – Rhône-Alpes ne semblent compétentes pour financer une telle infrastructure routière.

En complément, nous dénonçons le principe de la subvention d’équilibre et de la clause de déchéance qui n’ont aucune justification quand le bénéficiaire est une société privée dont les comptes se portent bien.

– Officiellement dénommée Saint-Étienne – Lyon, l’A45 a été déclarée d’utilité publique le 16 juillet 2008 pour relier La Fouillouse (au nord-est de Saint-Étienne) à Brignais (au sud-ouest de Lyon).
– Son titre trompeur, Saint-Étienne – Lyon au lieu de La Fouillouse – Brignais, permet à ses promoteurs d’annoncer un temps de parcours totalement fallacieux de 30 ou 35 minutes, alors qu’il faudra plus d’une heure pour relier les deux villes.
– Le tracé de l’autoroute A45 menace les zones de captage d’eau potable fragilement protégées par une déclaration d’utilité publique garantissant la distribution à près de 100.000 habitants d’un élément indispensable à la vie.
–  Cette autoroute est un doublon de l’A47 actuelle ; elle est donc contraire aux orientations adoptées lors du Grenelle de l’environnement en 2007.
–  Raccordée à l’A450, voie surencombrée aux heures de pointe, elle devient une nouvelle pénétrante en totale opposition avec les prescriptions du plan de déplacements urbains de l’agglomération lyonnaise.
–  Les alternatives à ce tronçon autoroutier, recommandées par la commission mobilité 21 dans son rapport remis au ministère des Transports le 27 juin 2013, n’ayant pas été explorées, il est prématuré de faire progresser l’A45.
–  Lors de la toute récente COP 21, accueillie à Paris fin 2015, ont été rappelés les objectifs de l’indispensable diminution des émissions de gaz à effet de serre, objectifs intégralement bafoués dans le dossier d’enquête publique de l’A45.

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[1] L’A45 doit doubler l’A47 entre Lyon et Saint-Étienne sur un tronçon d’une cinquantaine de kilomètres reliant La Fouillouse à Brignais.