[Addendum du samedi 26 novembre : La presse nationale commence à s’intéresser de près à ce que fabrique Laurent Wauquiez en Région, et le dernier “Plan bio” semble être la goutte d’eau… Après Reporterre ou Lyon Capitale, au tour de L’Obs de tirer le signal d’alarme : Monsieur Wauquiez entendra-t-il un jour que diversité et écologie relèvent de l’intérêt général ? « Comment Wauquiez fait la chasse au bio et aux écolos » par Agathe Ranc : ebx.sh/2ggbAEo]

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Alors que les députés vont de nouveau s’exprimer cette semaine, et hélas probablement rejeter comme le Sénat vient de le faire, l’objectif de 20% d’alimentation bio et locale dans les cantines, Laurent Wauquiez vient de proposer son “plan de développement de l’agriculture biologique” en Région Auvergne Rhône Alpes. Avec, en toute logique, rien pour les cantines des lycées.

J’ai bataillé huit mois sur ce sujet en commission Agriculture à la Région, en lien avec les acteurs, pour défendre une agriculture biologique et paysanne (voir ici, déjà en avril sur la ruralité et le monde paysan menacés par Laurent Wauquiez). Et puis, il y a dix jours, nous avons reçu le paquet de plus de 5.000 pages de rapports pour la session du 17 novembre. Parmi eux, la fameuse délibération, sur laquelle en quelques jours il aura fallu obtenir des éclaircissements, contacter les intéressés, pour au final, une fois les différents enjeux décryptés, déposer 8 amendements.

Télécharger ici les 8 amendements du groupe du Rassemblement RCES sur le plan bio : 8 Amendements agri bio RCES

Sous d’apparentes bonnes intentions, ce plan régional, après les suppressions drastiques des subventions aux associations de développement de la bio depuis le début de son mandat, entérine un gigantesque transfert de fonds vers les chambres d’agricuture et la FNSEA, fidèle et prompt soutien de Laurent Wauquiez durant la campagne (on le pressentait déjà il y a quelques mois).

La diversité, la complémentarité, sont des mots que Monsieur Wauquiez ne comprend pas. Il nous avait déjà fait le coup en réorientant 3 millions de subventions sur l’environnement à la seule Fédération régionale de chasse, saquant ainsi un programme qui était auparavant tripartite avec les chasseurs, mais aussi la Ligue protectrice des oiseaux et la Frapna (voir l’intervention de notre élue Fabienne Grebert sur ce sujet).

Je considère que mon rôle d’élue consiste à se battre dans l’assemblée, mais aussi hors les murs, à informer, sensibiliser, raconter les coulisses sans langue de bois et démontrer que la politique a des impacts concrets. J’ai donc alerté sur les réseaux sociaux et du côté des journalistes, voir notamment l’article de Reporterre « Laurent Wauquiez confie la bio aux agro-industriels » et l’article de Lyon Capitale « Laurent Wauquiez introduit le loup dans la bergerie ».

Malgré nos huit amendements et le travail en commission à tenter d’argumenter et convaincre d’au moins rééquilibrer un peu ce plan bio, au final il restait trop de zones d’ombre, pas assez d’ambition. Nous avons donc voté contre cette délibération. Nous avons bataillé âprement croyez-moi et obtenu deux points tout de même : la restriction des aides à l’export pour privilégier les circuits de proximité pour nos produits locaux. Et une proportionnalité des moyens qui puissent augmenter en même temps que le nombre de producteurs bio. Insuffisant pour voter néanmoins vu le nombre d’accrocs.

La délibération commençait pourtant bien, dans son constat de la bio comme secteur à développer. Notre groupe du Rassemblement aurait volontiers rajouté les bénéfices en matière d’environnement, de santé, ou de résistance face à la crise et à la fluctuation des marchés… Mais enfin ça commençait bien. Bien aussi, l’approche filière, de l’amont à l’aval en passant par l’accompagnement.

Voilà pour les points positifs.

Le problème – le premier – c’est qu’il nous était demandé de voter un texte et des axes d’action, sans les budgets qui leur seront alloués : ceux-ci ne figuraient même pas en annexe. Il aura fallu les demander en commission. L’exécutif aurait tout de même pu imaginer que les élus avaient besoin, pour voter en toute connaissance de cause, de connaître les budgets afférents. Nous avons donc finalement reçu un tableau. Après le dépôt des amendements… Et nous avons eu la surprise de voir que ce document était daté du 25 octobre dernier. Dommage qu’il ait fallu le réclamer et qu’il ait mis presque un mois pour nous arriver !

Selon ces chiffres, ce sera donc :

  • 500.000 euros en moins pour la FRAB (fédération régionale agriculture biologique),
  • la fin de la subvention de 75.000 euros pour l’Atelier paysan et des 30.000 euros pour le pôle de concertation Appuibio.
  • un budget pour les filières courtes et le réseau des AMAP dramatiquement bas, et seulement 9.000 euros sur 2,7 millions pour sensibiliser les agriculteurs conventionnels !
  • exit aussi Terre de liens, finies la revue La luciole, les fermes de démonstration…
  • sans compter les co-financements induits qui vont être perdus, et ce au moment même où, avec la loi Notre, les départements risquent de se désengager.

Les réseaux de producteurs, les associations, les organismes nationaux à vocation agricole et rurale : avec ce plan, comme pour les CDDRA, la majorité casse tout ce qui avait été construit depuis des années.

Il nous était demandé de voter le principes d’aides publiques à l’industrie agro-alimentaire à l’aveugle, sans aucun critère de conditionnalité. Nous avons donc, là aussi, déposé un amendement. Las, après une valse hésitation mémorable entre un Laurent Wauquiez favorable et sa vice présidente Emilie Bonnivard qui ne l’était pas, disant que ça y était déjà, puis reculant, au final ce sera non. Rien non plus sur les cantines de nos lycées, rien sur le foncier. La région se prive elle-même de ses propres leviers et introduit le loup dans la bergerie avec l’arrivée sur le secteur de l’AB de l’ARIA, présidée par un ancien directeur de la communication de Limagrain. Pour développer la bio…

Enfin, on prétend vouloir augmenter le nombre de producteurs bio, tout en persistant à soutenir des projets qui bétonnent :

  • Le projet de liaison autoroutière entre Lyon et Saint Etienne (A45) représente la destruction de 500 hectares de vergers et de terres agricoles situés sur les coteaux du Jarez et les monts du Lyonnais,
  • Le projet de village de vacances Center Parcs à Roybon en Isère induit un risque sérieux de dégradation de la nappe phréatique et de conflit d’usage sur la ressource en eau avec les agriculteurs, notamment en Vallée de la Galaure,
  • Le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin menace 1.500 hectares, dont une grande partie de terres agricoles. Sur le seul département de la Savoie, ce projet concerne 80 exploitations agricoles.

Et ce, alors que l’utilité des projets est contestée et que des alternatives existent.

Au final, ce n’est pas le plan de développement de la bio de la Région qu’il nous était demandé de voter, mais le plan bio de la majorité Wauquiez. Ce plan a été construit non en fonction d’objectifs politiques, d’intérêt général, mais en fonction de qui ils avaient d’ores et déjà choisi de financer, avec au final une chambre régionale d’agriculture qui se retrouve juge et partie : non seulement c’est à elle qu’a été confiée le dispositif d’élaboration de cette délibération dont elle sort grande gagnante, mais en plus elle pilotera elle-même le comité régional qui doit lui commander des prestations.

Ce plan bio du conseil régional pourrait bien signer la disparition des lucioles – et avant de me renvoyer aux libellules dépressives, comme le fait régulièrement Monsieur Chabert à propos de nos montagnes, j’invite chacun à relire Pier Paolo Pasolini et Georges Didi-Huberman… (sur l’excellent Article11 par exemple)

Voilà. Entre ça et Nicolas Sarkozy avec sa double ration de frites à la cantine, on est servis. (Voir la note « Politique de la cantine » de mon camarade Paul Vannier)

[ BONUS ] Enfin, pour celles et ceux qui auraient la curiosité de voir comment ça se passe dans l’hémicycle régional, voici le lien pour regarder la vidéo de la session, ma présentation de ces amendements et le débat qui s’ensuit jusqu’au vote final, c’est de 5h50’10 à 6h54’25. Je vous laisse apprécier que ce soit comme par hasard Didier-Claude Blanc qui intervienne pour le groupe de Les Républicains : Monsieur Blanc est l’élu qui m’a remplacée au CA du lycée du Diois, s’est emparé du PNR du Vercors, et qui est par ailleurs directeur de cabinet d’Hervé Mariton à Crest. Il n’est en revanche pas membre de la commission Agriculture (voir sa fiche d’élu ici). On se demande bien pourquoi ils ont décidé de le mettre en face de moi, une fois encore, sur ce sujet… Notez aussi l’auto-satisfaction de Laurent Wauquiez qui juge ce plan “rassembleur”. Bref, je vous laisse juger sans plus de commentaire. Enjoy.

Et pour antidote, prenez ça. Une cuillérée par jour, ça fait du bien :