La Ferrandaise, pour moi, c’est l’histoire d’un attachement particulier qui a débuté en 2014 dans une ferme du Puy de Dôme. Est-ce parce qu’il faisait si froid dehors, parce que la grange elle était chaude, est-ce l’accueil fraternel du paysan, le regard gentiment bovin des animaux, parce qu’un chat ronronnait sur une botte de paille ou parce que les veaux dormaient debout ? J’ai eu le coup de foudre pour cette vache auvergnate, rustique et tout-terrain, si loin des standards de l’industrie agro-alimentaire et des vaches à viandes, vaches à lait, vaches à veaux, vaches à concours, monstrueuses dans les allées du Sommet de l’élevage de Clermont-Ferrand, spécialisées à coups d’hormones et de croisements pour mieux les commercialiser.

Cette ultra-spécialisation des espèces, des territoires, des continents, l’un qui fournit à manger ici, l’autre là bas qui fabrique de quoi s’habiller, à toi les poulets, à moi le soja, dans une course folle autour du monde, avec entre les deux des océans, des avions et des cargos… Les cartes postales en guise de vie, la ville pour travailler, la montagne pour le ski et la mer l’été, en oubliant au passage que des gens y vivent toute l’année, avec entre les deux du béton, du kérosène, des embouteillages géants et la grande transhumance en mode Bison futé…

Ces assignations nous rendent plus vulnérables au changement, elles nous rendent plus dépendants au pétrole, aux énergies fossiles, à une nourriture blindée de pesticides et de soja transgénique ; elles nous rendent complices de conditions de travail scandaleuses à l’autre bout du monde dans les champs, les mines, les ateliers de confection ; elles nous imposent l’indécence des lobbies qui organisent ce grand déménagement permanent du monde pour le seul bénéfice du capital investi.

Sans relocalisation des activités de production, c’est la jungle du dumping social, des activités les plus polluantes délocalisées loin des regards et des bonnes consciences, des travailleurs sans salaire minimum, sans durée légale, protection sociale ni syndicats, des marchandises qui font le tour du monde avant d’atterrir dans nos assiettes et nos placards, la concurrence du low-cost que seule permet l’exploitation et qui empêche les productions locales de se développer. 

Sans diversité des cultures, quand un pan tombe c’est tout qui s’effondre. Quand vous n’avez qu’une seule variété de fruitier, un seul modèle de tomate, un seul type de production, alors il suffit d’une maladie, d’un coup de gel, d’une bactérie propre à l’espèce pour tout emporter.
Assigner une fonction unique à chaque chose, à chaque territoire, à chaque ferme, à chaque être, c’est nous exposer à tous les risques.

La Ferrandaise est une anomalie du monde moderne, une ode à la diversité. Contrairement aux ouvrières spécialisées qu’on croise dans les allées des salons agricoles, elle sait tout faire : elle peut produire de la viande mais pas forcément, elle donne du lait, peut servir de vache de trait, elle est résistante à la rudesse du climat, à l’effort, au brouillard montagnard et même au capitalisme : après avoir bien failli disparaitre parce qu’elle ne rentrait pas dans les cases, elle a finalement résisté aux ravages de la course à la rentabilité. Et puis la Ferrandaise est belle, ses veaux doux et amicaux, sa compagnie apaisante, et sa vue dans un paysage de montagnes réchauffe. Et ce n’est pas le moindre des bienfaits qu’elle nous rend.


La Ferrandaise c’est l’antidote à un paquet de trucs.
Si l’effondrement vient, on va en avoir besoin.


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