Publié le 20 septembre sur le Club de Mediapart 

A quelques kilomètres de Kobane, en Syrie du Nord, la Internationalist Commune of Rojava prépare un plan ambitieux. Je les avais rencontrés en avril dernier, depuis nous sommes restés en contact. Aujourd’hui leur projet arrive dans une phase qui doit tous nous intéresser.

De jeunes plants, une serre, un potager et une pépinière : on oublierait presque qu’on est en Syrie… Et pourtant, nous sommes tout près de la frontière avec l’Irak et la Turquie, à la commune internationaliste du Rojava qui s’est fixé l’objectif ambitieux de planter 2.000 arbres autour de la commune et plus de 50 000 jeunes plants dans la pépinière. Leur but est également d’apporter un soutien à la reforestation de la réserve naturelle d’Hayaka, dans le canton de Cizirê : dans les cinq prochaines années, près de 50 000 arbres doivent être plantés sur les rives du lac Sefan.

Il s’agit pour ce projet “Make Rojava Green Again” de contribuer au volet Ecologie du confédéralisme démocratique porté par la révolution au Rojava, inspiré par le penseur Murray Bookchin et ses échanges épistolaires avec Abdullah Öcalan. Comme me le disait Fawza al Yussef, de la Fédération démocratique de la Syrie du Nord en avril : « On veut créer notre propre modèle, sans oublier l’écologie : l’homme fait partie de la nature. Mais oui, sur les déchets c’est une vraie question, une difficulté. Des projets sont en cours, c’est un sujet dont on discute beaucoup. Mais nous manquons de techniciens, de matériel et d’expérience : avant la révolution syrienne il n’y avait rien… On doit tout apprendre, tout est à construire. »

Et de fait, la monoculture imposée par le régime syrien pendant des années afin de faire de la Syrie du Nord le grenier à blé de la zone, a non seulement ruiné les champs mais aussi gravement obéré les capacités de résilience du territoire face aux épisodes de sécheresse de plus en plus sévères. Des champs entiers de colza et de coton s’y sont ajoutés. Le régime a arrosé le tout de fertilisants chimiques, et même interdit de planter des arbres fruitiers. « Le régime a tout fait pour déconnecter les gens de leur terre, jusqu’à leur interdire de planter des arbres dans leur propre jardin ! Ici, c’était une colonie. Et dans un pays en guerre, la vie est précaire, et la valeur accordée au vivant toute relative. Tout est à ré-apprendre. », me disait un militant de la Commune internationaliste.

Depuis, la révolution a ouvert la voie à l’autonomie et permet aujourd’hui d’envisager d’autres horizons. Il s’agit désormais pour les habitants de réinvestir leur propre terre, leur souveraineté alimentaire, leurs paysages et leur avenir : en temps de guerre il semble fou de planter un arbre qui mettra parfois des dizaines d’années à porter ses fruits, quand vous risquez d’être chassé de chez vous dans une semaine, un mois, un an… L’écologie se construit sur le temps long, qui a été aboli ici. Miser sur l’avenir, c’est une des raisons pour lesquelles le volet écologiste du projet du Rojava est si important. (Extrait de mes Carnets du Rojava publiés sur Ballast)

A l’heure où les signaux des dérèglements climatiques se font de plus en plus ardents, après un été cataclysmique, alors que la forêt millénaire de Hambach est rasée par la compagnie d’électricité allemande RWE pour en faire une mine de charbon, alors qu’en Irak la sécheresse fait craindre le retour de Daech et que la Syrie est toujours coincée entre Daech, Bachar el Assad, Recep Tayyip Erdogan et leurs alliés… On a plus que jamais besoin d’arbres, de solidarité et d’actes concrets.

La Commune internationaliste lance aujourd’hui la publication d’un livre, préfacé par Debbie Bookchin, pour présenter le résultat de leurs recherches sur les problèmes écologiques du Rojava et les solutions à y apporter. Le financement de la version anglaise est bouclé, le “crowdfunding” pour la version française vient d’être lancé : toutes les informations sont ici pour participer.

A celles et ceux qui veulent agir avant qu’il ne soit trop tard, pour donner une chance aux habitants de cette zone qui n’en finissent plus de souffrir, à celles et ceux qui pensent que les arbres sont notre dernier espoir ou qui veulent simplement agir pour la dignité du présent, c’est un appel à financer si vous le pouvez, ou à relayer pour leur donner de la visibilité, ils en ont besoin… et nous aussi. Merci.