Pour être honnête, quand j’ai vu arriver ce plan « Ambition Cheval » à la Région Auvergne Rhône Alpes et que j’ai vu que ça allait être pour moi, je n’ai pas sauté de joie. Un vieux souvenir de mauvaise course-poursuite dans les bois. Mais il faut savoir se remettre en selle. 

Et finalement travailler ce dossier m’a presque réconciliée avec les équidés. 

Saviez-vous par exemple que le cheval apparaît dès l’Éocène, il y a 60 millions d’années ? Il mesure alors 20 cm et s’appelle Hyracotherium. L’homme, à cette époque, est encore couvert de poils et vit dans les arbres. Il va donc falloir attendre encore quelques années pour chevaucher. 
Mais depuis nous nous sommes bien rattrapés et le cheval fait partie intégrante de l’histoire de nos sociétés. Au milieu du XXe siècle il accompagne le long chemin vers l’égalité : les femmes obtiennent le droit de monter comme les hommes. De tous temps, on le retrouve comme auxiliaire des activités humaines, des vikings aux mongols. Au Moyen-âge, le cheval sert à la guerre, au transport et à l’agriculture. C’est à cette époque qu’on commence à sélectionner les « chargeurs », « coursiers » ou « destriers ». Sans le cheval, pas de labours, pas de service postal, pas de mobilité. Et si les Romains en ont fait leurs complices honteux des jeux du cirque, dès les Grecs anciens, Xénophon, philosophe et chef militaire, expliquait que, pour l’entretenir et s’en occuper, « il ne faut pas l’ennuyer ». Comme quoi, la question du bien-être animal n’est pas un souci nouveau, ni une lubie d’écolos-bobos. 

Aujourd’hui, cette notion de partenariat avec les animaux est malheureusement rare. Il s’agit plus souvent de dresser, dominer, chasser, ou asservir.

Pourtant, pour reprendre l’exemple du cheval, il rend de nombreux services, des personnes en situation de handicap ou de précarité aux « bébés cavaliers ». Il aide en matière de traction animale. Associé aux bovins, en pâturage mixte, il contribue à l’équilibre des prairies. En Corse, des fermes-ranch associent élevage de veaux et balades à cheval, et dégagent ainsi un complément de revenu paysan. Ailleurs, des espèces locales, rustiques, résistantes et polyvalentes sont préservées, comme les Ferrandaises chez nous pour les vaches : c’est le cas du cheval de Mérens dans les Pyrénées.

Et puis les chevaux, c’est comme les arbres : tout le monde les aime. A condition d’en démocratiser l’accès, de ne pas voir dans le cheval qu’un gros morceau de viande et de les considérer comme des alliés, ils peuvent être un beau trait d’union entre hier et demain, entre l’animal et l’humain. A l’heure où il nous faut trouver des alternatives au tout-pétrole et repenser notre place dans les écosystèmes, nous aurons bien besoin de cet allié. 

C’est le sens des amendements que nous avons défendus en session plénière avec ma camarade Florence Cerbai. Las, aucun n’a été retenu. 

Ça démarrait pourtant bien : deux amendements du PS acceptés par la majorité de Laurent Wauquiez, fait rare. Un premier, sur la prise en compte du bien être animal, des conditions de travail et la diminution de l’impact environnemental, qui aboutit à une bonification des aides destinées aux centres équestres, de 1000 à 5000 euros. Depuis le temps qu’on réclame un minimum de conditionnalité des aides, tant mieux. Le deuxième, adopté également, porte sur le « développement des randonnées équestres », ça ne mange pas de pain mais bon.

Par contre, incompréhensiblement, nos amendements à nous ne passent pas. 

Le premier portait sur la traction animale. Je l’écrivais plus haut, le cheval a toujours été un auxiliaire des activités humaines. Or, dans ce Plan, rien sur la traction équine, pourtant présente notamment dans l’agriculture à laquelle ce Plan doit être rattaché. La ré-intégrer était pourtant simple : la traction équine fait déjà partie des activités du Conseil de la filière cheval régional, auquel doit être confiée l’animation de ce Plan. Leur étude sur le potentiel de la traction animale, sur leur site, mentionne explicitement que « la nécessité de raisonner de nombreuses actions quotidiennes comme le transport, la collecte des déchets, l’agriculture… dans une logique de développement durable participe à cette réflexion sur le retour à la traction animale ». 

Et de fait, des vignes du Diois au bât en montagne, en passant par le débardage en forêt, le cheval abîme moins les sols, ne tasse pas les terrains, respecte les arbres sur pieds et n’occasionne pas de destructions. Il est ainsi utilisé sur le site Natura 2000 de la Moulette, dans le Cantal, dans certaines communes comme Bourg-en-Bresse pour le ramassage des déchets, et pour le transport scolaire en calèche dans le Loir et Cher, le Nord, le Haut-Rhin ou l’Hérault. Il existe même un Réseau Professionnel Auvergne-Rhône-Alpes de Traction Animale qui propose des formations diplômantes : Certificat de spécialisation “Utilisateur de chevaux attelés”, Brevet Fédéral de Meneur Accompagnateur de Tourisme Equestre et Brevet Professionnel de la Jeunesse et des sports “Mention Attelage”. Le précédent plan cheval de la région, sur 2018-2020, parlait d’ailleurs bien de : « l’utilisation du cheval en traction animale, en portage ou monté dans l’agriculture (viticulture et maraîchage essentiellement), le débardage, la surveillance, le transport… 100 entreprises sont prestataires dans ce domaine avec 300 à 400 équidés dans la région. »

Il était donc de toute évidence simple et cohérent de l’intégrer à ce plan. Puisqu’on est dans une logique de filière, la traction équine a ses acteurs et structures professionnelles, elle fait preuve d’efficacité économique, préserve l’environnement, économise l’énergie et travaille sans bruit de moteur ni pollution. Nous étions donc déjà surpris qu’elle ne fasse pas l’objet d’un dispositif spécifique dans ce plan. Nous le sommes encore plus du refus de M Taite, vice-président à l’agriculture, et de l’argument mis en avant : en gros, on le fait déjà, et de toute manière le conseil de la filière cheval régional ne le souhaite pas. 

Well. D’abord, il me semble que c’est à la Région que revient la décision, et non au futur animateur du Plan. Sinon ça s’appelle un lobby. Ensuite, c’est précisément sur le site de ce fameux conseil que figure en toutes lettres le potentiel de la traction animale ! Enfin, nous dire que ça se fait déjà est pour le moins surprenant : c’est le cas de toutes les actions de ce Plan dont l’objectif principal est, par souci de simplification, de regrouper l’existant !

Sur le fait de flécher prioritairement les petits centres équestres dans les aides, Florence n’aura pas plus de succès. Et sur ma demande d’intégrer la formation en amont, dans cette fameuse logique de filière qui est censée être l’objectif du plan, je ne ferai pas mieux. Quand j’avais posé la question en commission, il y avait pourtant eu comme un flottement. Visiblement ça avait été oublié, c’est pourtant une des compétences majeures de la Région. J’avais donc un petit espoir que ça passe : un amendement pas trop risqué pour la majorité ni marqué idéologiquement, on ne peut pas dire, et pas franchement disruptif non plus : le manque de filières de professionnalisation était déjà mentionné dans le précédent CROF équin (contrat régional d’objectifs de filière). Las, ce sera non. Moralité, même sur des sujets pas hyper politisés on rame.

Pour nos votes, au final, ce sera donc pour la présence de nos amis équidés dans l’agriculture, le tourisme ou la pleine nature, et contre le financement des hippodromes : des lieux déjà financés par le PMU, basés sur les paris, qui correspondent à une vision marchande et spéculative que nous rejetons ; les courses brassent déjà beaucoup d’argent et concernent une minorité de pratiquants, l’argent public a d’autres priorités. Devrait, en tout cas, puisque naturellement nos voix ne suffisent pas, et le plan passe en l’état.

Au moins j’aurai appris des choses, et promis, le prochain cheval que je croise je lui caresse le museau.

  • Nos amendements :

AmendementPlanCheval-tractionequine.pdf

AmendementPlanCheval-democratisation.pdf

AmendementPlanCheval-formation.pdf