mercredi 21 mai 2014

Les douaniers nous protègent, protégeons nos douaniers !

douaniers.jpgCommençons par mettre fin aux idées reçues : non, les douaniers ne sont pas de petits hommes bleus en képi derrière leur barrière aux postes frontières. Les douaniers sont les garants de nos normes et appellations contrôlées. 16662 agents des douanes sont aujourd’hui répartis partout sur le territoire français. Des femmes et des hommes qui assurent un service essentiel de proximité à travers un maillage de 200 bureaux de douanes et 270 unités de surveillance, terrestres et aéronavales. Perception des droits de douanes et de la TVA, mais aussi conseils gratuits auprès des PME et des viticulteurs sur les taxes et règlements commerciaux, contrôle des marchandises, vérification de l’application des normes sanitaires et environnementales, lutte contre les trafics et la fraude fiscale : les douaniers sont un rouage essentiel pour la mise en œuvre d’une politique écosocialiste dans notre pays. Comment relocaliser l’activité et mettre en place un protectionnisme solidaire, avec une taxe kilométrique sur les marchandises, des critères sociaux et environnementaux aux frontières de l’Europe, comment taxer les marchandises les plus polluantes, sans une administration des douanes performante ?

C’est pourquoi nous nous opposons à cette aberration comptable qui porte le nom de « Plan Stratégique Douanes 2018 ». Comme toujours, pour les projets gouvernementaux de coupes budgétaires et de réduction d’effectifs, l’emballage est joli : « Notre ambition est claire : conforter la douane comme administration de référence pour la protection de notre territoire, de nos concitoyens et de nos entreprises et pour la régulation des échanges, afin de répondre aux grands enjeux et défis qui nous attendent dans les années à venir. » C’est beau comme du Pierre Gattaz !

Mais qu’en est-il en réalité au-delà des intentions affichées ?

Il s’agit d’abord de supprimer 400 postes par an pour arriver, à l’horizon 2018, au chiffre de 14 000 agents des douanes. Rappelons que ces derniers étaient encore 22 500 en 1993 : ils auront perdu un tiers de leurs effectifs en 25 ans. Et cela alors qu’ils ont fait entrer 17,3 % des recettes de l’état en 2013 (68,23 milliards d’euros) avec un ratio de 45 centimes d’euro dépensés pour percevoir 100 euros de recettes ! La manie gestionnaire de Manuel Valls et son obsession pour les chiffres de la fonction publique devrait l’inciter à se pencher sur cet aspect.

Stratégique, ce plan ? Cet acharnement contre l’emploi public risque d’aboutir à une baisse des recettes fiscales de l’Etat. Et surtout, face à des effectifs aussi limités – 0,3 % des 5,5 millions d’agents des trois fonctions publiques – il est totalement impossible d’effectuer les 400 missions des douanes, de détecter les marchandises défectueuses sur 675 417 km2 du territoire français ou de contrôler les plus de 2 milliards de tonnes de marchandises transportées chaque année ! A ce rythme, le blocage récent au Havre d’une tonne de médicaments contrefaits, avec tous les risques évités pour notre santé, sera bientôt de l’histoire passée.

Non content de procéder à cette destruction massive d’emplois d’intérêt général, le « Plan stratégique Douanes 2018 » implique également de supprimer les bureaux de douanes départementaux pour les regrouper au niveau régional, voire interrégional. Pour la région Centre, cela aboutirait au mieux à un bureau unique à Orléans, au pire à Dijon. Si cela devait arriver, les agriculteurs et PME devraient se contenter d’une « hotline » et de procédures dématérialisées. Fini le travail de proximité, la relation de confiance, les conseils personnalisés. Seuls les plus gros, ceux qui ont les moyens de se payer un service administratif et juridique, peuvent s’en passer. D’autant que les grandes entreprises auraient elles droit à un service « premium » via la création d’un service des grands comptes qui leur sera pleinement dédié. Pour les autres… Qui peut croire que cela n’aurait aucun impact sur leur activité économique ?

Il est pour le moins surprenant que ce plan de restructuration ait été lancé par le candidat du Parti Socialiste au poste de commissaire européen Pierre Moscovic, ancien ministre de l’Économie et des Finances, et donc des douanes ! Où est l’Europe qui protège Monsieur Moscovici ?

Et pourtant, une telle déstructuration de l’administration des douanes a déjà eu lieu en Belgique où, faute de financements et de formation, les chiens de détection ne savent même plus distinguer la farine de la cocaïne ! Déjà, plus de 99,7 % des containers arrivant sur le territoire français ne sont jamais contrôlés. Las, une fois de plus la sacro-sainte concurrence « libre et non faussée » incluse dans les traités européens exige de se passer de ces étapes administratives. Il faut désormais « assurer plus vite et à moindre coût le dédouanement des marchandises », proposer « une gamme de services dématérialisés gratuits, adaptés aux besoins et aux contraintes des opérateurs du commerce international » et s’appuyer « sur une démarche d’audit, de partenariats et des systèmes d’information pertinents », bref déréguler, se soumettre à la logique du libre-échange, renoncer à faire appliquer avec sérieux les normes sanitaires et environnementales.

Comment ne pas y voir la préfiguration du Grand Marché Transatlantique ? Ce projet de traité entre l’Europe et les Etats Unis vise en effet le démantèlement des droits de douane restants, notamment dans l’agriculture, et surtout la suppression des « barrières non tarifaires » c’est à dire en clair toutes les normes sanitaires, sociales et environnementales dont les douaniers sont les garants et qui empêchent la compétition sans règle dont rêvent les multinationales des deux rives de l’Atlantique.

C’est pourquoi, pour lutter contre la disparition progressive de leurs missions et de leur administration, ce 17 mai les douaniers européens marchaient sur Bruxelles à l’appel de l’Union des personnels des Finances en Europe (UFE), union syndicale européenne des personnels des administrations fiscales et douanières de 400 000 adhérents dans 20 pays de l’Union Européenne. Et c’est pourquoi nous les soutenons et continuerons à les soutenir dans leurs missions de service public et d’intérêt général.

Les normes sont là pour protéger notre santé, notre environnement, nos cultures. Les douaniers sont garants du respect de ces normes, protégeons nos douaniers !

(photo : Vendredi 16 mai, rencontre avec les représentants de la CGT-Douanes et de Solidaires-Douanes à la maison des syndicats de Blois)

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