vendredi 16 octobre 2009

L'urgence écologique : atelier de la biodiversité aux Lacs de l'Essonne


Je suis intervenue mercredi sur le thème de l'urgence écologique à l'occasion du premier "Atelier de la Biodiversité" organisé par la communauté d'agglomération des Lacs de l'Essonne, à l'invitation de mon ami et camarade Gabriel Amard.

Voici le texte de mon intervention. Merci à Patrick, Florence, et tous les camarades du secteur écologie politique du PG qui m'ont permis de muscler les parties sur les risques naturels, les conséquences du dérèglement climatique et la biodiversité, et de les nourrir d'exemples concrets...

Plus d'infos sur le site des Lacs de l'Essonne

Et ici la tribune de gabriel amard sur la planification écologique publiée dans l'Huma du 13 octobre

Bonne lecture !



Bonsoir,

Tout d'abord je tiens bien sur à remercier la communauté d'agglomération des Lacs de l'Essonne, et plus particulièrement Gabriel Amard, son Président, de m'avoir invitée ce soir pour ce premier atelier de la biodiversité. Et franchement, essuyer des plâtres comme ça, comme le disait Gabriel, c'est avec plaisir !

Je suis là pour vous parler d'urgence écologique. Pas très réjouissant, a priori.

Et c'est vrai que même sans faire partie des adeptes du catastrophisme écologique, il devient difficile de se voiler la face ou de minimiser les périls : l’équilibre écologique de la planète n’est pas très loin du seuil de rupture. Les grands dangers sont connus : la pollution, qui perturbe les écosystèmes, la santé et la reproduction humaines ; la raréfaction de certaines ressources naturelles, comme le pétrôle ou l'uranium, mais aussi l'eau ; la réduction de la biodiversité, qui peut avoir de très graves conséquences sociales et environnementales ; et le changement climatique, enfin, dont on parle beaucoup en ce moment. Ce sera en effet le sujet de la prochaine conférence de l'ONU sur le climat en décembre prochain à Copenhague. on en parle depuis le sommet de la Terre de Rio en 1992, qui a marqué la prise de conscience internationale. Depuis, les alertes et les rapports se succèdent.

Les variations climatiques ne sont pas nouvelles, ce qui est nouveau, c'est le lien établi par les scientifiques avec l'activités de l'Homme, et la rapidité des variations observées. Le dernier rapport du GIEC, le Groupe International d'Experts sur le Climat qui rassemble 400 scientifiques , indique que la rapidité et l'ampleur des changements climatiques est en train de faire franchir à plusieurs grands écosystèmes le «seuil d'irréversibilité» qui mène à leur disparition. Certains effets risquent d'arriver plus vite que prévu. C'est le cas de la libération dans l'atmosphère du CO2 et du méthane emprisonnés dans le pergélisol, ces sols gelés en permanence, ce qui rendrait le climat incontrôlable. Pour le GIEC, il est «encore possible» d'éviter les pires impacts du réchauffement en cours à condition d'enclencher «une action immédiate, globale et décisive» qui passe par une protection des puits de GES, comme les grandes forêts, et l'adoption de modes de production et de consommation différents.

Mais malgré tous les signaux d'alerte, les émissions de gaz à effet de serre (GES) d'origine humaine ont augmenté de 3,5 % par an en moyenne depuis l'an 2000. C’est donc une urgence majeure aux conséquences globales sur les individus, les civilisations humaines, et la planète. Et qui touche plus durement les populations pauvres, que ce soit dans les pays industrialisés ou les pays en développement. l'urgence écologique ne concerne pas seulement la «nature», comprise au sens d’un environnement qui nous serait extérieur. Elle n’est pas non plus une affaire de «bobos» occidentaux préoccupés de leur qualité de vie. Non seulement elle menace les « services » que la nature rend aux hommes : alimentation bien sûr, mais aussi, matières premières de transformation, de médicaments, de la qualité de l’eau et de la fertilité des sols par la flore et la faune, séquestration de carbone dans le bois… elle a aussi de graves répercussions sur les populations humaines : maladies, sous-alimentation, baisse de la fertilité, migrations climatiques... Les premiers migrants climatiques, issus des îles englouties du Bangladesh ou du Pacifique, devraient ainsi grossir le flux des migrants de la faim de plus de 250 millions en 2050, selon l'Organisation Internationale des Migrations (OMI).

Les conflits pour l'accès à des ressources naturelles de plus en plus rares sont aussi un risque majeur. On le voit déjà malheureusement pour le pétrole, le gaz et l'uranium qui deviennent des ressources stratégiques. On devrait aussi bientôt le voir pour l'eau. Les chercheurs prédisent en effet la disparition des glaciers des Pyrénées d'ici 2050 et d'Afrique tropicale d'ici 20 ans, provoquant d'importantes pénuries d'eau pour les humains et les autres espèces vivantes. 'est ainsi qu'on voit se dessiner les contours d'une catastrophe à la fois sociale et écologique, avec des effets en chaîne.

Et en même temps, tout ça paraît loin, et difficile à imaginer. Alors rapprochons-nous un peu... En France, la canicule de 2003 et la tempête du Sud Ouest de cet Hiver préfigurent, selon les chercheurs, de l'augmentation du nombre et de l'intensité des événements climatiques extrêmes. Cela pose des questions très concrètes. Pour les producteurs de pins des Landes, par exemple, la question est la suivante. Si il faut plusieurs dizaines d'années pour faire un pin et qu'il y a une tempête tous les dix ans qui met tout par terre, autant cesser la production. Et si le Sud-Ouest subit une tempête tous les dix ans, il n'y aura plus de forêt et nous aurons en plus un désastre écologique. Les terres retourneront à leur état de marais insalubre par remontée des nappes phréatiques et c'est toute l'économie d'une région qui sera bouleversée.

Autre exemple : il y a quelques années, une brève dans les journaux annonçait la fermeture de la plus vieille station française de moyenne montagne pour cause d'insuffisance chronique d'enneigement. Le phénomène touche quasiment toutes les stations de moyenne montagne qui s'équipent comme des fous de canons à neige (alimentés par des barrages à construire pour alimenter les canons) pour avoir "l'assurance" de... C'est reculer pour mieux sauter. Car il est hautement probable que l'augmentation des températures fasse que la neige soit en quantité insuffisante pour maintenir les stations de moyenne montagne à l'avenir. Ce qui signifie réduction du tourisme blanc pour la France (première capacité européenne) et dépérissement de l'économie de la moyenne montagne.

Dernier exemple, l'année 2003 qui préfigurait selon les climatologues ce que serait une année sur deux en 2050 d'après un scénario moyen de changement climatique. Personne n'a oublié bien sûr la canicule et ses 15 000 morts en France. Mais cela a aussi été une grande sécheresse agricole, des lignes d'orages inhabituellement violents, des incendies de forêt monstres, des mouvements de terrains, des rétractations d'argile qui ont fragilisé des dizaines de milliers de maisons, un orage cévennol exceptionnellement étendu (jusqu'en Haute Loire) et à une date anormale (début décembre) qui a mis 1500 communes en catastrophe naturelle pour inondation.

Moins de neige, plus de tempêtes, mais aussi moins de vignes, plus de canicules et de feux de forêt, c'est ce qui ressort du rapport qui vient de paraître, issu du groupe de travail interministériel sur l’évaluation des impacts du changement climatique. Ce n'est pas anodin.

Et c'est tout l'équilibre de nos éco-systèmes qui est en jeu, le droit à vivre dans un environnement sain, inscrit dans la Charte de l'environnement pour nous, aujourd'hui, mais aussi pour les générations futures. Comment en est-on arrivés là ? La réponse tient en quelques mots. Deux siècles de croissance industrielle. Et plus récemment, le capitalisme mondialisé. C'est à dire un système qui place le profit au-dessus de toute autre considération, un système qui ne peut fonctionner qu'en prônant l'accumulation matérielle, la recherche de la croissance économique à tout prix, au mépris de toute considération sociale et écologique. Car le système capitaliste repose sur un moteur productiviste qui traite la nature en ressource à exploiter ou en marchandise à échanger. Dans le domaine agricole, par exemple, avec la généralisation de l'utilisation de pesticides et de substances chimiques, et le recours à l'agriculture intensive, on assiste à la disparition des abeilles, qui jouent pourtant un rôle de pollinisation essentiel, à la prolifération des algues vertes en Bretagne et, selon une étude récente de l'Inserm, à l'augmentation des risques d'Alzheimer chez les agriculteurs. Cette volonté d'exploiter toujours plus s’accompagne partout de la destruction des éco-systèmes et de l’aggravation des inégalités sociales.

De surcroît, la mondialisation libérale a étendu à l’ensemble de la planète ce modèle insoutenable en organisant la mise en concurrence mondiale des populations par le libre-échange, l’exploitation incontrôlée des ressources naturelles, et la marchandisation progressive du vivant et de toutes les activités humaines. Elle menace la souveraineté alimentaire des pays en développement ; elle exacerbe la recherche de surplus de production exportables ; elle allonge les distances entre les lieux de production et ceux d’utilisation, faisant ainsi exploser la consommation d’énergie et la production d’émissions de gaz à effet de serre pour le seul transport des marchandises. Entre la confection du tissu, la conception, l’assemblage, la couture, les finitions et la vente, un jeans parcourt aujourd’hui en moyenne 30 000 km. Un litre de yaourt 9 000 km.

Ce système fait peser une pression insoutenable sur la planète et ses habitants. Alors, face à l'urgence écologique qu'il ne peut plus ignorer, le capitalisme invente le mirage de la croissance verte : stockage de CO2, enfouissement des déchets, marché boursier du CO2... Il tente d'installer la croyance selon laquelle les problèmes pourraient être résolus en restant dans les mêmes mécanismes, sans changer de système économique. Il s'agit en fait, pour le capitalisme repeint en vert,de faire de l'écologie une source de profits comme une autre.

Mais on ne peut pas lutter contre les inégalités, les bouleversements climatiques ou l'extinction de la biodiversité sans remettre en cause les logiques profondes de notre système économique et de nos modes de vie. Les enjeux posés par le dérèglement climatique et la finitude des ressources naturelles impliquent donc de dépasser le capitalisme et de revoir en profondeur notre mode de développement. C'est l'opportunité de repenser l'utilité sociale de la production, de réfléchir sur nos manières de consommer, de se demander de quoi on a besoin, qu'est-ce qu'on produit et comment on le produit. Et c'est la nécessité, avant tout, de réduire notre consommation d'énergie. Pour autant, en pleine montée des inégalités sociales, il n'est pas acceptable de faire porter l'effort sur des ménages déjà touchés de plein fouet par la récession et le chômage, pendant que les plus riches pourront quant à eux continuer à surconsommer et à gaspiller tranquillement l'énergie sans se soucier de son coût. L'accumulation matérielle prônée par ces "élites" alimente la machine productiviste et aggrave encore les dégâts causés par un système qui réussit le tour de force à la fois d'exploiter les individus et de détruire les éco-systèmes. C'est un vrai cercle vicieux !

On le voit, l'urgence écologique ne peut être dissociée de la justice sociale. L’eau, l’air, l’énergie, l’alimentation sont autant de besoins fondamentaux qu'on ne peut laisser aux seules lois du marché. que l'écologie se place sur une échelle de temps différente, elle nous oblige à réfléchir sur le long terme qui est incompatible avec le court terme des intérêts capitalistes.

L'écologie remet ainsi au premier plan la notion d'intérêt général, elle impose la revalorisation des services publics et la réappropriation sociale et citoyenne de nos biens communs. On en vient donc à la question de la manière dont la puissance publique et la politique peuvent et doivent intervenir.

Car il ne suffit pas de montrer du doigt les comportements individuels, encore faut-il mettre en place un cadre de société qui rende les alternatives possibles : rénovation et isolation thermique, redensification urbaine et commerces de proximité, relocalisation et circuits courts, accès aux transports collectifs... le contraire de ce qu'on voit aujourd'hui, avec la privatisation d'entreprises qui jouent pourtant un rôle social et écologique essentiel : EDF, la Poste, la SNCF... seule la collectivité et la sphère publique peuvent gérer ce défi de manière volontariste, démocratique, et sur le long terme. Pour dresser un état des lieux sérieux de la situation, organiser un grand débat public sur les objectifs à atteindre et les programmes à mettre en place pour y arriver, travailler ensemble syndicats, chercheurs, associations et citoyens... Planifier tout ça dans le temps et assurer le suivi de la mise en œuvre, avec des étapes et des bilans intermédiaires...

C'est ce processus démocratique que nous appelons la planification écologique. Alors oui, nous devons revendiquer l'importance du rôle de l'État, des collectivités et des services publics pour faire face à l'urgence écologique. Ils sont certes à réinventer, notamment par une profonde réforme institutionnelle et les moyens démocratiques d'une nouvelle implication populaire, sans laquelle la planification écologique ne pourra pas se mettre en place. Mais ils restent indispensables pour planifier la rupture, construire un cadre de société émancipateur et garantir l'égalité d'accès aux droits fondamentaux pour tous, partout. planification écologique, c'est finalement la mise en application d'un volontarisme éclairé, d'une participation démocratique et citoyenne, c'est le retour de l'action politique au service de l'intérêt général. c'est possible.

Ici aux Lacs de l’Essonne, on le voit avec le retour de la sterne pierregarin ou du martin pécheur, la jolie présence d'orchidées sauvages, ou encore la mise en place des V'Lacs sans marché publicitaire.

Tous ces résultats, au service de la population, de l'environnement et des générations à venir doivent nous encourager à étendre le principe de planification écologique à l'ensemble des territoires. Pour que l'urgence écologique se transforme en opportunité écologique. Celle de vivre mieux, ensemble, sur une planète préservée.

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