vendredi 17 septembre 2010

Vers un programme antipub du Front de Gauche !

L'année dernière à la Fête de l'Huma, avec Hervé Kempf et Thomas Coutrot, on débattait déjà du Revenu maximum autorisé (RMA), en insistant sur le fait que le mode de vie des plus riches détruit la planète en véhiculant l'accumulation matérielle comme un truc dont on aurait besoin pour être heureux, le fameux « travailler plus pour consommer plus »...

C'était donc assez logique pour nous de réattaquer cette année sur « La publicité, bras armé du consumérisme », avec Charlotte Nenner, Présidente de RAP (résistance à l'agression publicitaire) et Fabrice Flipo, philosophe et co-auteur de "La décroissance, dix questions pour comprendre et débattre", Alex Baret et Khaled Gaiji des Déboulonneurs, merci encore à eux d'être venus !

Le texte d'orientation du PG, Lignes d’Horizon, indique que : « La crise climatique, la pollution et l’épuisement des ressources de la planète, mais aussi l'émancipation du consumérisme et du « toujours plus » exigent une analyse critique des besoins, un changement radical des modes de production, de distribution et de consommation.»

Et nous sommes tous d'accord sur le fait que la bataille culturelle contre le productivisme et la société de consommation nous impose de décoloniser notre imaginaire. Mais comment s'émanciper de l'injonction du « travailler plus pour consommer plus » dans un contexte de publicité envahissante, des couloirs de métro aux écrans télé, sur les vélos et jusque dans les écoles ? Quand on va jusqu'à chercher dans notre cerveau comment mieux y faire rentrer l'envie compulsive d'acheter ? La publicité crée des besoins artificiels, elle véhicule des clichés sexistes et se fait fer de lance du capitalisme vert... La pub, vantant les mérites de l'environnement ?! Alors qu'elle représente 40 kilos de papier dans nos boite aux lettres / an ? Et qu'un seul panneau lumineux et déroulant de 12m² consomme autant d’électricité chaque année que trois ménages français ?! Il vaut mieux aujourd'hui être un panneau de publicité qu'un foyer pauvre... Aux panneaux, on ne leur coupe pas l'électricité !

Et pourquoi ? Parce qu'une certaine classe a tout intérêt à ce qu'on continue à consommer sans trop penser, à transformer les citoyens en producteurs-consommateurs. Pour Jacques Ellul, la publicité n'est plus« agent annexe de la vente, elle est devenue le moteur de tout le système », elle est « la dictature invisible de notre société » en modifiant radicalement les comportements des individus. C'est aussi ce que dit Jean-Claude Michéa qui affirme que le « dressage capitaliste des humains resterait un vain mot » sans « cette omniprésente propagande publicitaire »… Omniprésente, c'est le cas de le dire ! Ce ne sont pas moins de 3 000 publicités que nous voyons en moyenne chaque jour, et un enfant américain voit lui en moyenne 40 000 spots de pub par an. Autant de messages qui érigent en norme sociale la consommation de biens inutiles, et des comportements compulsifs et sédentaires nuisibles à la santé physique et mentale des populations. Pas sûre que ça développe l'esprit critique... Mais c'est bon pour les ventes.

Selon Serge Latouche (in Casseurs de Pub 10 ans, Parangon, 2009), 3 ingrédients sont nécessaires pour que la société de consommation puisse poursuivre sa ronde diabolique : la publicité qui crée le désir de consommer, le crédit qui en donne les moyens, et l'obsolescence accélérée programmée qui en renouvelle la nécessité. 1 C'est ce qu'on appelle le productivisme, tout simplement. Et c'est ainsi que les dépenses de publicité s'envolent pour vendre toujours plus de produits face aux concurrents. Elle en arrive même à dépasser la part des salaires ou le coût de la production en tant que telle ! En 2004, les entreprises françaises ont investi 31,2 milliards pour leur communication, soit 2% du PIB et 3 fois le déficit de la sécu... Et au total, le budget publicitaire sur toute la planète représente plus de 500 milliards par an ! Ca fait cher la pollution matérielle, visuelle, auditive, mentale et spirituelle !

Et ce, malgré le No Logo de Naomi Klein en 99, malgré le regain de la critique de la société de consommation portée par les altermondialistes, les écolos radicaux et les objecteurs de croissance. Ce sont les situationnistes, dont Guy Debord, qui avaient exprimé les premiers la force du détournement de l'image et de la publicité. Depuis, d'autres ont pris le relais : Paysages de France et le RAP (créés en 92), Casseurs de Pub (créé en 99), Action Conso (2001), les Déboulonneurs (2005) et tant d'autres... Le travail des antipubs, avec les actions spectaculaires dans le métro en 2003 n'a cependant pas empêché, en 2004, Patrick Le Lay, PDG de TF1, de dire que son travail était « de vendre du temps de cerveau disponible à Coca-Cola ». On a d'ailleurs quelques propositions sur ce que ferait un gouvernement du Front de Gauche au sujet de TF1, on y reviendra...

Enfin, pour finir ce rapide tour d'horizon, en avril 2010, en plein Grenelle 2, on a vu la relaxe de 8 barbouilleurs (dont 6 comparants volontaires), le tribunal correctionnel estimant qu'en apposant leurs «messages» sur les panneaux commerciaux, qui sont des espaces d'expression dans l'espace public, les militants n'avaient pas commis de «dégradation», mais exercé leur «liberté d'expression» qui «ne saurait constituer une infraction». Alors, maintenant, concrètement, qu'est ce qu'on ferait si on était au gouvernement ? Pour limiter la publicité, la combattre et sortir de l'aliénation consumériste ?

Le Parti de Gauche, depuis sa création, défend des orientations antiproductivistes, même si je sais que ça continue à en étonner certains ;) Les réflexions de notre secteur écologie politique, le travail parlementaire d'amendements sur le Grenelle 2 et la réflexion du PG sur le programme partagé d'un gouvernement du Front de gauche nous ont permis de faire des propositions.

L'interdiction de la publicité pour les crédits à la consommation.

La création d'espaces d'affichage public et la réduction des surfaces d'affichage publicitaire.

La lutte contre l’agression publicitaire à l’école, qui va pour nous de pair avec l’intrusion religieuse, totalement incompatible avec le développement de l’autonomie et de l’esprit critique. Donc, l'interdiction de toute publicité dans les établissements scolaires, ainsi que dans un périmètre de 200 mètres et interdiction immédiate de la publicité au moment des programmes télévisés ciblant les moins de 12 ans.

La condamnation des publicités véhiculant une image de la femme en tant que mère au foyer ou objet sexuel.

... Et de manière générale, la limitation drastique de la présence de la publicité dans l’espace public.

Pour nous au PG, il s'agit de liberté de réception, ou de non réception : les messages publicitaires ne sont tolérables, a minima, que dans la mesure où les citoyens sont en mesure de les éviter. Donc, interdiction des panneaux publicitaires dépassant 50 X 70, avec un nombre maximal / km2 en fonction de la densité du quartier ou de la ville. Réforme de la loi de 1979 pour renforcer la protection de nos cadres de vie.

Suppression des dispositifs lumineux, déroulant et autres LCD consommant de l'énergie.

Interdiction des contrats conditionnant des services aux collectivités à de la publicité, au hasard : les vélos en libre-service...

Enfin, un gouvernement du Front de Gauche devra rendre les médias aux citoyens, et notamment avec un financement du service public à hauteur de 100% pour le sortir du règne de l'argent et supprimer la publicité : aucune chaîne diffusant des publicités ne pourra bénéficier de financement publics et principalement de la redevance audiovisuelle.

Tout ceci devra être débattu lors d'États généraux consacrés à l’encadrement de la publicité, c'est de salubrité publique !

Mais rassurez-vous, nous n'attendons pas 2012 et de gouverner ce pays. Nos élus de l'association « La gauche par l'exemple » s'activent sur le terrain, car on peut réclamer le renforcement des pouvoirs d’intervention de police des élus contre les panneaux illégaux, mais encore faut-il que les élus aient le courage et la volonté de s'en saisir ! Gabriel Amard et Alexis Corbière du PG en ont clairement témoigné sur le stand du PG ce week end.

Au niveau parlementaire, nous avons déposé une proposition de loi sur la fiscalité écologique qui prévoyait déjà l'augmentation des taxes, aujourd’hui dérisoires, sur les publicités imprimées et prospectus ainsi que sur les spots publicitaires audiovisuels ; ou encore la taxation à la source de la dépense publicitaire des entreprises, pour limiter le gaspillage publicitaire au détriment des investissements et de la rémunération des salariés. Entre autres...


Le débat continue ! Déjà, nos invités associatifs et militants du débat sont repartis avec les fiches du PG sous le bras pour pouvoir nous faire part de leurs remarques, on rebrasse tout ça en Conseil National du PG ce week end, on avance !

Le site antipub de RAP
Le site des Déboulonneurs

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