jeudi 12 mars 2009

La relance du productivisme - Supprimer la TP pour sauver l'automobile, il fallait y penser !

L'intervention télévisée de Nicolas Sarkozy jeudi dernier, pourtant intitulée "face à la crise", a surtout montré qu'il tournait une fois de plus le dos aux besoins sociaux de la population et à l'ampleur de l'enjeu. Le risque politique était immense d'oublier la catastrophe écologique face à l'urgence de la crise économique et sociale actuelle. Nicolas Sarkozy réussit la prouesse de rater et l'une, et l'autre.

Répondre à la crise de l’industrie automobile en supprimant la taxe professionnelle : il fallait y penser !

Nicolas Sarkozy vient apparemment de découvrir que la France, malgré ses "deux constructeurs importants", importe ses voitures de l'étranger. Il propose donc de "relocaliser" l'industrie automobile. Très bonne idée. Mais c'est oublier un peu vite que les traités qui régissent l'Union Européenne interdisent précisément les mesures nécessaires à la relocalisation de l'économie ! Ces traités dont il se fait pourtant l'ardent défenseur en tentant de faire passer en force la ratification du Traité de Lisbonne malgré le vote des Français interdisent en effet tout dispositif qui fausserait le "marché intégré", la libre circulation des marchandises et la "concurrence libre et non faussée". Or comment va-t-on favoriser les circuits courts si on ne peut pas d'une manière ou d'une autre "pénaliser" les productions plus lointaines et polluantes ?

Voir aussi l'article repris sur Mediapart

On comprend donc pourquoi Nicolas Sarkozy évoque l'idée de fiscalité environnementale, par le biais de la taxe carbone, tout juste du bout des lèvres. Elle serait "à voir"... La taxe carbone, qui pèserait sur les produits générateurs de pollution et ceux qui sont importés de l'autre bout de la planète, est en effet incompatible avec les traités européens actuels. De toute façon Nicolas Sarkozy n'a à l'évidence aucune intention de défendre une telle taxe, qui s'appliquerait en premier lieu... à l'industrie automobile, dont le bilan carbone est lourd !

Reste donc dans les propos de Sarkozy un seul engagement à la fois précis et compatible avec l'Union européenne actuelle : la suppression de la taxe professionnelle en 2010. C'est-à-dire un nouveau cadeau aux entreprises qui concernera tous les secteurs, qu'ils délocalisent ou non, qu'ils soient touchés plus ou moins durement par la crise, quels que soient leur utilité sociale et leur coût écologique.... Interrogé sur les contraintes imposées aux entreprises en échange de cette faveur, Sarkozy répond que "la contrainte, c'est un engagement" (sic) !

Ainsi, plutôt que de prendre des mesures fiscales permettant de pénaliser les productions les plus lointaines et polluantes, on appauvrit encore les collectivités territoriales en leur enlevant leur principale source de financement.

L’alliance de la voiture et du nucléaire

Voitures "propres", moteur électrique... Nicolas Sarkozy a encore envoyé jeudi un joli message de soutien au lobby du nucléaire, principal producteur d'électricité en France. D'autant que sa formule sous-entend que l'électricité issue du nucléaire serait une énergie "propre". Or son coût environnemental, lié à l'extraction de l'uranium, principalement réalisée au Niger, à son acheminement et à sa transformation, au démantèlement des centrales est loin d'être négligeable. Sans compter que les déchets générés restent polluants pour des millénaires sans qu'aucune solution absolument fiable ne soit connue.
Et pourtant, rien n'est fait en France ou en Europe pour organiser l'après pétrole, l'après gaz et l'après uranium, de manière réfléchie, démocratique et planifiée. Pour preuve, Nicolas Sarkozy nous annonce la construction d'un 2ème EPR à Penly, en Seine Maritime. L'exemple des précédents EPR en Finlande et à Flamanville est pourtant édifiant : chantier en retard de 38 mois, 2.4 milliards de pénalités réclamées à AREVA, surcoût de 700 millions d'euros... On peut s'interroger sur cette obstination à développer la filière nucléaire. Après les agrocarburants, c'est l'EPR au service du sauve-qui-peut pour préserver la société du tout-voiture.

Car la voiture électrique n'est pas la solution d'avenir miraculeuse que l'on nous présente souvent. Selon le magazine Les Echos, pourtant peu suspect d'écologisme primaire, "pour faire rouler, en 2020, 1,5 millions de voitures électriques en France, il faudrait construire une, voire deux centrales nucléaires supplémentaires." Le parc installé est aujourd'hui de 32 millions de voitures... On vous laisse calculer le nombre de centrales nucléaires qui seraient à construire dans le cadre des politiques énergétiques actuelles !

Une politique de la droite systématiquement à rebours des intentions du Grenelle

L'intervention de jeudi a confirmé que les bonnes intentions affichées lors du Grenelle de l'Environnement étaient systématiquement contredites dans les faits par l'action du gouvernement Sarkozy.

Pour rester dans le secteur du transport routier et de l'automobile, le projet de loi du Grenelle 1 entérine de fait la priorité donnée à la route au détriment des autres moyens de transport : la proposition de réduire la vitesse de 10 km/h sur les autoroutes, pourtant source d'économies de CO2 importantes et simples, a été rejetée. L'objectif de "plafonnement des capacités routières" a été abandonné et remplacé par la possibilité d'augmentation des routes pour des raisons "d'engorgement, de sécurité, ou d'intérêt local". Cette formule, délibérément vague, laisse le champ libre aux bétonneurs.

La loi de modernisation économique du gouvernement, elle, ouvre un nouveau boulevard à la grande distribution en permettant notamment d'ouvrir sans autorisation des points de vente de  1000 m² (contre 300 m² précédemment) et trouve son prolongement dans le projet de travail du dimanche. Soit une occasion de plus de prendre sa voiture pour aller faire ses courses et acheter des produits au long cours, fabriqués dans des conditions de travail souvent douteuses et au mépris de l'environnement.

Le plan de relance de Nicolas Sarkozy, enfin, entérine encore plus la priorité donnée au transport routier. Pas gêné, Nicolas Sarkozy a ainsi évoqué jeudi soir la fameuse "prime à la casse" de son plan de relance : non seulement cette prime à la casse est en-deçà des exigences d'émissions polluantes définies pour le bonus-malus du Grenelle, mais en plus tous les experts s'accordent à dire qu'elle n'a qu'un effet d'aubaine !

Le plan de relance prévoit également la construction de 3 nouveaux tronçons d'autoroute. Ainsi la future A65 entre Langon et Pau en Aquitaine, dont les experts estiment qu'il va détruire 2000 hectares d'espaces naturels, 8 zones "Natura 2000" et des espèces protégées, sera pourtant considérée comme "écologique" grâce à ses revêtements absorbant le CO2 et au tri des déchets dans ses futures aires de repos.

On est là dans le pire de ce qui se fait en matière de "croissance verte", l'alliance absurde et irresponsable du capitalisme et de l'écologie. La croissance verte, c'est le faux-nez de l'écologie. C'est faire de l'écologie un business comme un autre, au service du capitalisme et du productivisme.

Le gouvernement refuse d'admettre que la crise implique la remise en cause radicale du modèle actuel et reprend les recettes éculées du capitalisme. Il adopte un plan de relance à l'ancienne, fondé sur le triptyque croissance - consommation - emploi, celui-là même qui permet de justifier qu'on reporte la redistribution des richesses à une autre ère, celle où on aurait retrouvé des points de croissance. 

Cette logique absurde et irresponsable est placée sous le signe de l'aveuglement, du court-terme et du productivisme. Elle est non seulement dangereuse du point de vue environnemental, mais elle fait prendre des risques inconsidérés aux salariés de l'industrie automobile. Car c'est dès maintenant qu'il faut anticiper, accompagner et planifier la reconversion industrielle des milliers d'emplois touchés par la crise de ce secteur, développer le fret, le ferroutage, les transports alternatifs à l'usage individuel de la voiture, et commencer à planifier la sortie du tout automobile.

Haut de page