mercredi 5 mai 2010

De Cochabamba au GIEC, en passant par les climato-sceptiques... Quel temps fait-il ?

Depuis la « vague verte » des élections européennes, médias et politiques se sont faits le relais d'une montée en puissance de la prise de conscience écologique. Avec la récupération que l'on connait sous forme de « capitalisme vert » des grands groupes privés et du gouvernement. Mais depuis quelques semaines, une autre musique se fait entendre... Sommes-nous en train d'assister à un retour de balancier ? Est-il susceptible de remettre en cause notre projet ? Tour d'horizon.

L'échec du Sommet de Copenhague, en décembre dernier, a certainement constitué une cause de désillusion pour certains, voire de démotivation. Mais soyons lucides, il n'a fait que confirmer l'absence de volonté des gouvernements dominants à remettre en cause leurs privilèges économiques. Il a en revanche permis de renforcer les liens entre mouvements sociaux, associatifs, militants altermondialistes et écologistes pour engager des mécanismes de solidarité climatiques et internationaux. Nous l'avons vu au Sommet des Peuples de Cochabamba le mois dernier. Alors quoi, la transformation sociale et écologiste ne viendra pas des gouvernements libéraux ? On s'en doutait !

L'écologie politique et radicale nous enseigne que l'écologie est une lutte contre toutes les formes de domination. Elle est un combat contre le système capitaliste et la logique productiviste. Elle menace les intérêts des riches et des puissants. CQFD.

Sans doute est-ce la raison pour laquelle nous assistons depuis quelques semaines à un singulier retournement de tendance. De Nicolas Sarkozy, qui déclare que l'environnement « ça va bien » au Salon de l'Agriculture et abandonne l'injuste projet de taxe carbone auquel il tenait tant, dès qu'il s'aperçoit qu'il lui faudra taxer ses amis industriels. De parlementaires qui dépouillent le projet de loi Grenelle 2 de ses avancées les plus ambitieuses, fustigent l'éolien et prévoient de nouvelles contraintes pour en entraver le développement, au profit du nucléaire. D'un préfet qui donne son feu vert à un projet de terminal charbonnier, ou encore d'un président de la Commission Européenne qui relance les OGM à l'assaut de notre agriculture.

C'est dans ce contexte qu'on a vu déferler sur le devant de la scène les « climato-sceptiques » et une mécanique bien huilée de contre-offensive. « Climategate », campagne de décrédibilisation du GIEC, promotion médiatique outrancière du livre de Claude Allègre... On a vu fleurir tout et n'importe quoi, des scientifiques reconnus discuter avec des escrocs, des amateurs se prendre pour des climatologues. Soyons sérieux ! Le débat scientifique, pour être contradictoire, doit se mener sur la base d'arguments étayés. 400 scientifiques, épaulés par quelques journalistes courageux, ont ainsi démontré que le livre de Claude Allègre était un tissu d'approximations et de contre-vérités. Il est vrai en revanche que certains scientifiques remettent en cause l'origine anthropique du dérèglement climatique, c'est à dire l'influence des activités humaines sur le climat. Pour eux, ce sont des causes naturelles et cycliques qui sont à l'origine de l'élévation des températures.

Ce n'est cependant pas ce que retient le GIEC de la somme des travaux menés par des scientifiques du monde entier. Il faut en effet préciser que le GIEC n'est pas un organisme de recherche qui serait à l'origine de ses propres études scientifiques. Sa mission est de faire la synthèse des travaux de recherche ayant fait l'objet de publications, donc scientifiquement validés par leurs pairs. Tous. Qu'ils apportent des preuves pour ou contre l'impact humain sur le climat. Sans être scientifique, on pourrait ainsi résumer ce qui fait consensus en deux termes. Un, la concentration du CO2 dans l'atmosphère augmente avec l'activité humaine, notamment du fait de la croissance industrielle et de la mondialisation. Deux, cette teneur en CO2 modifie le climat en provoquant une élévation de la température moyenne de la planète. C'est le fameux effet de serre.

Ce qui en revanche fait débat, c'est l'ampleur du réchauffement, ses conséquences et leurs échéances.C'est sur ces points que le travail du GIEC a principalement été remis en cause. L'un des plus fameux est celui d'une coquille sur la date de disparition des glaciers de l'Himalaya, passée de 2350 à 2035 – sans remettre en cause ses conclusions finales. L'erreur a été relevée et rectifiée. Un graphique d'élévation des températures, dit « en forme de crosse de hockey », a lui aussi été incriminé. Il a disparu du dernier rapport et a fait l'objet d'une réévaluation, sans que cela en modifie drastiquement les conclusions. Ces erreurs et leur gestion prouvent plusieurs choses. D'abord, que le débat scientifique permet d'avancer sur le terrain de la connaissance et des savoirs humains. Ensuite que le GIEC, pas plus que la science, n'est infaillible. Mais elles prouvent aussi que le travail croisé des scientifiques et de journalistes sérieux permet de rectifier les erreurs lorsqu'elles surviennent. Elles ne prouvent en revanche en rien que le changement climatique ne soit pas lié à nos modes de production et de consommation.

Il est vrai que l'accent mis sur le dérèglement climatique a occulté d'autres sources tout aussi réelles d'inquiétude. Perte de biodiversité, extinction de certaines espèces, épuisement des ressources naturelles, pollutions des sols et de l'eau, augmentation de maladies directement liées à l'usage de substances chimiques... Qui viennent s'ajouter aux conséquences potentiellement dramatiques du réchauffement global : recrudescence de maladies tropicales, élévation du niveaux des mers et migrations climatiques, fonte des glaciers et diminution de réserves d'eau douce, conflits armés pour l'accès aux ressources naturelles... Voilà les vrais enjeux du combat climatique. Ils font froid dans le dos. Pas pour la planète, qui y survivrait, mais pour les formes de vie telles que nous les connaissons, pour les femmes et les hommes qui y vivent, et pour une certaine conception de la société, de notre rapport à la nature, du progrès humain.

Pas plus que le catastrophisme environnemental, le déni ne sert la cause que nous défendons. Les détracteurs du dérèglement climatique et de l'écologie prennent le risque d'absoudre les hommes de leur folie destructrice, d'excuser par avance la destruction et le pillage, de les détourner de leurs responsabilités envers les populations du Sud, envers la nature et les services qu'elle nous rend, envers les générations futures. La mission des scientifiques, comme des politiques, n'est pas d'endormir les consciences en les rassurant à bon compte. Nous devons au contraire dessiller, fournir des éléments d'information et d'analyse critique, de mise en perspective culturelle et idéologique, afin de développer l'appropriation sociale et le niveau de conscience citoyenne. C'est aussi ça, l'implication populaire. Sans une mobilisation massive dès aujourd'hui, demain les puissants n'auront plus qu'à instaurer un nouvel ordre globalitaire à base d'éco-fascisme, autoritaire et liberticide.

Bien au-delà des polémiques sur le réchauffement climatique, nos orientations écologiques sont au cœur de notre projet d'émancipation.

Au croisement de la pensée de Marx et de Gorz, elles permettent de réinventer le socialisme en l'enrichissant d'écologie politique. Elles renforcent les traditions du mouvement ouvrier en lui fournissant de nouvelles raisons de refuser l'exploitation sociale. Le projet dont nous sommes porteurs nous impose de changer de système, de combattre la course au toujours plus de profits, d'accumulation matérielle, de croissance économique, et de construire l'alternative au capitalisme et au productivisme.

Pas au nom des petites fleurs, mais au nom d'une vision. Celle d'un autre monde, solidaire, écologiste et citoyen.

   Quel temps fait-il.pdf

Ce texte a été rédigé pour l'hebo du PG, A Gauche.

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