vendredi 11 juin 2010

Paul Aries, la démocratie et le revenu universel

Le problème avec un blog, c'est que dès qu'on prend du retard ça devient compliqué de reprendre le fil. J'accumule les idées de billet, mais sans une minute pour m'y mettre. Et c'est le serpent qui se mord la queue, car plus je cours partout, sur l'écologie politique, pour le PG et mon mandat d'élue régionale, plus j'aurais de trucs à raconter ici et moins j'en ai le temps. Évidemment ;(

Alors ce que j'ai fait, c'est que j'ai regardé ce que j'avais en stock comme photos dans mon téléphone. Si si, ça vaut pour méthode, pourquoi pas ? ;)

Je commence par celle-ci. Paul Ariès à Portes les valence, à l'occasion du Forum national sur la démocratie participative organisé par notre camarade communiste maire de la ville, Pierre Trapier. Puis je brode.


J'étais contente de retrouver Paul, on ne s'était pas croisés depuis quelques temps, si ce n'est dans le Sarkophage... L'occasion d'échanger sur le contexte politique à gauche, la crise de la démocratie, la critique du "citoyen - consommateur", sur la nécessité de repolitiser la société autour de nouveaux chantiers, notamment ceux portés par l'objection de croissance : le ralentissement et la relocalisation, la gratuité, la coopération et le prendre soin contre la société du mépris... Pour faire en sorte que la politique ne soit plus une machine à exclure les plus démunis, et que le capitalisme cesse ses ravages sur les exploités de tout poil, individus et ressources naturelles.

Ce qui me plait le plus dans l'objection de croissance, c'est cette capacité à faire un pas de côté, à lutter contre l'idéologie dominante en décadrant le débat et en ouvrant de nouveaux possibles. La décolonisation de l'imaginaire que cela implique. La bataille culturelle que cela provoque, et qui commence à infuser dans le débat public.

Quand j'étais consultante, on appelait ça le "visioning" (oui je sais ^^). L'intérêt de la méthode était de réfléchir à une vision stratégique sans partie de l'habituel diagnostic de l'existant - la matrice SWOT pour les amateurs, brrr - mais en se projetant dans 15, 20 ans et en imaginant là où on voudrait être, ce qu'on aimerait voir, les propos qu'on aimerait entendre à un comptoir de bistrot (si j'vous jure, je leur faisais ça ;)


Et justement, la semaine précédente, nous nous sommes réunis à une quarantaine en Ardèche, à Vinezac, pour cogiter ensemble autour de l'idée de revenu inconditionnel d'existence
.

L'idée d'un revenu versé à tous, de la naissance à la mort, de manière inconditionnelle, je la suis depuis plusieurs années, et nous en avons beaucoup débattu au sein d'Utopia, notamment avec Baptiste Mylondo*. Lors du dernier Bureau National d'Utopia, nous avons d'ailleurs une nouvelle fois eu une discussion passionnante autour de la place du travail avec Dominique Méda.

Je suis convaincue que ce revenu inconditionnel, quelle que soit son appellation, est une idée révolutionnaire. Révolutionnaire, car elle remet en cause tous les dogmes de l'idéologie libérale, de la société du mérite et de la compétition. C'est la voie royale pour combattre les inégalités sociales, retrouver une société de la décence et de la dignité, favoriser les liens sociaux dits "non productifs", en bref, la voie royale de dépassement du capitalisme. En tout cas, c'est une idée qui a l'immense mérite de provoquer des discussions qui emmènent très loin. Le bon fil à dérouler...

Cette discussion sur un revenu garanti pour tou-te-s, elle est revenue dans le débat au PG à l'occasion des retraites et de l'idée de pension universelle. On en avait déjà parlé l'année dernière, au moment où nous avons adopté le principe du RMA, le revenu maximal autorisé. Cela fait discussion, bien sûr, et moi même j'évolue sur la question. C'est tout l'intérêt aussi de sortir des réseaux alternatifs et radicaux de l'écologie, et d'en discuter avec d'autres militants, venus d'autres traditions de la gauche (notre fameux "creuset") et qui apportent un regard neuf, critique mais intéressé sur ce thème.

Je vois bien par exemple que le terme de "revenu" pose question car il est lié dans l'imaginaire collectif à un retour sur travail. La question de l'inconditionnalité pose question également. On pourrait notamment se demander comment concilier ce "revenu" avec une contribution citoyenne aux taches que Gorz appelle hétéronomes. En gros, les plus aliénantes, celles que personne ne veut faire, et que personne ne sera plus obligé de faire avec un revenu minimum garanti pour tous. Au hasard, ramasser les poubelles (même si on a réduit drastiquement la quantité de déchets produite et non recyclée sur place, d'accord ;)

Une autre question intéressante, c'est le lien avec la gratuité et la question du droit de tirage sur les services publics : énergie, santé, eau... On pourrait imaginer que ce "revenu" soit versé non pas sous forme monétaire, mais sous forme de services collectifs, tout ou partie. C'est l'idée de l'allocation universelle, qui a pour avantage majeur de ne pas alimenter le grand marché de la consommation capitaliste...

Bref, le débat est loin d'être clos sur cette question, et à quelques-uns on a décidé d'avancer sur le sujet de manière concrète. Parce qu'une des limites de beaucoup de mouvements d'objection de croissance, c'est aussi que ça se complique quand on passe du projet visionnaire post-capitaliste à la phase concrète de transition vers cet ailleurs idéal. Et qu'il est parfois bien ingrat d'essayer de faire en sorte que des sujets comme celui-ci sorte des salles où on se retrouve à trente, toujours les mêmes, qui refusent tout ce qui ressemble à de la politique de partis et réinventent avec ravissement les principes communautaires qui existent depuis soixante ans sans vraiment avoir changé le monde, euh... Comment dire, ça fatigue un peu ;)

Alors je propose que chacun avance à sa manière et contribue à la transformation là où ça lui semble le plus utile, le plus efficace. En ce qui me concerne, je sais comment et où je vais m'y employer. J'ai déjà commencé... :)

Illustrations de Titom, mise à disposition selon la licence Creative Commons by-nc-nd 2.0 be

* qui publie un ouvrage fortement recommandé sur le sujet à la nouvelle maison d'éditions d'Utopia, à lire !!!


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