dimanche 10 février 2013

De l'écosocialisme, de la nécessité d'une alternative et d'un projet en lien avec les luttes (retour de Marseille)

marseille_5.JPGCe sont près de 150 personnes qui sont venues participer aux Assises écosocialistes dans un lieu associatif à Marseille ce samedi. Il y a été question de Marx et de lutte des classes, de rapports de propriété, mais aussi de territoires en transition, de gestion des déchets, de régie publique de l''eau et de gratuité.On y a interrogé la notion de besoins, de droits et de privilèges, discuté planification écologique et règle verte. Et avec les représentants des syndicats CGT des portuaires, des marins de la SNCM, des Dockers et des Fralib, on a fait le lien avec les luttes, avec les projets alternatifs portés par les salariés. Que ce soit en matière de services publics, de transport combiné, de pavillon maritime ou de coopératives.Le tout sur fond de nécessité écologique, de circuits courts et de relocalisation de l'activité. Une telle fluidité d'échanges, dans une salle comble avec des gens debout, assis dans les travées et perchés sur des bancs, blindée de syndicalistes, d'élus, citoyens, d'anticapitalistes et d'écolos n'aurait pas été envisageable il y a seulement quelques mois. Et là, c'est tout l'après-midi qu'on a croisé écologie et social, anticapitalisme et climat, luttes et alternatives concrètes. On avance...

Il faut dire que vous aurez noté qu'on parle beaucoup d'écosocialisme en ce moment. Depuis nos Assises nationales du 1er décembre dernier, la démarche que nous avons initiée ne laisse pas indifférent. Elle provoque à la fois beaucoup d'enthousiasme... Et quelques grincements de dents. Mais comme il paraît qu'on est du camp des têtes dures, bousculer les idées reçues et réveiller la gauche, surtout quand il s'agit d'aller piquer les socialistes et de titiller nos camarades écologistes, reconnaissons que ça ne nous déplaît pas ;)

Et c'est exactement ce que fait notre projet écosocialiste. Parce que l'écosocialisme c'est le mélange détonant d'un socialisme débarrassé de la logique productiviste et d'une écologie farouchement anticapitaliste. Alors forcément ça bouscule. En effet, le socialisme a toujours visé à l'émancipation, mais il lui manquait une composante essentielle, celle de la préservation écologique des conditions même qui rendent la vie humaine possible sur terre. L'écosocialisme, c'est un projet qui défend à la fois les droits humains et l'écosystème, qui replace le système productif et l'économie au service du progrès humain et des besoins réels. En un mot, c'est le bien vivre. Il nous appartient aujourd'hui de donner corps à ce projet en conjuguant justice sociale et préservation de l'environnement.

marseille_2.JPGTout l'inverse donc de ce que fait le gouvernement actuel. Ce gouvernement qui se dit « socialiste » et envoie des CRS matraquer les salariés d'Arcelor Mittal il y a deux jours devant le Parlement européen. Ce gouvernement dont une des composantes se dit « écologiste » mais n'hésite pas à se féliciter dans un communiqué de la confirmation par Hollande du report de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim à 2016 ! Qui ferme les yeux sur les agissements d'Areva au Niger et ne bronche pas quand un décret paraît pour autoriser les 44 tonnes sur la route alors même que le Ministre des Transports Cuvellier se félicite du 4e paquet ferroviaire adopté à l'Union européenne et qui signera la fin des TER et du service public du rail.

Pardon, mais que ce soit en matière de social ou d'environnement, on ne peut pas dire que le changement soit très clair. Et qu'on ne vienne pas nous raconter que c'est une question de budget contraint. Le coup de l'austérité on connaît, ça n'est que quand ça les arrange : le projet insensé d'aéroport à Notre Dame des Landes, c'est 131 millions pour l’État. La douteuse et coûteuse ligne à grande vitesse Lyon-Turin : 8,5 milliards. L'absurde et dangereux site d'enfouissement de déchets nucléaires à Bure : 35 milliards ! Et pourtant, ils ne trouvent pas 1 milliard pour nationaliser Florange, préserver les emplois et une ressource sidérurgique essentielle pour produire l'acier dont nous avons besoin ici, pour relocaliser l'activité ? Et pourtant, rien n'est fait pour anticiper la raréfaction du pétrole, planifier la reconversion de l'outil industriel, comme dans l'industrie automobile, et préserver les emplois !

marseille_4.JPGOù est la stratégie industrielle ? Où est la transition ? Où est la volonté politique ? Où est, surtout, l'alternative ? Eh bien je vais vous dire. Elle est chez nous, les écosocialistes. Et on le prouve, cartes sur table. Notre contre budget a prouvé que la relance écologique de l’activité par la demande, c'est 30 milliards d’euros d’économies. La suppression des niches fiscales, taxation de la publicité et hausse de la TVA sur les produits de grand luxe : 42 milliards d’euros par an. La réforme et progressivité de l’impôt sur le revenu, le revenu maximum, la réintégration des revenus du capital : 20 milliards d’euros. Voilà de quoi créer un pôle public de l'énergie permettant la transition et la sortie du nucléaire, sans gaz de schiste, d'engager un plan massif de rénovation thermique des logements, de soutenir l'agriculture paysanne sans OGM, bio et locale, et enfin de mettre en place un vrai projet écosocialiste.

Une fois de plus, si eux ne savent pas, nous on peut ! Alors on prend les choses en main. C'est la raison pour laquelle le Parti de Gauche a lancé le 1er décembre dernier à Paris, avec de nombreuses personnalités, associations, syndicats et revues, les Assises pour l'écosocialisme. Face au succès de cette première édition, nous avons décidé d'en faire un processus permanent, avec une deuxième édition nationale en décembre de cette année, qui sera co-organisée par un comité large et ouvert. Y sont d'ores et déjà associés, du Front de Gauche et au-delà, des personnalités reconnues comme Paul Ariès, Michael Lowy, Susan George ou Janette Habel, des militants, syndicalistes et élus comme mon camarade Jacques Lerichomme que j'ai retrouvé aux Assises organisées à Marseille. De nombreuses autres vont suivre, puisque nous avons déjà prévu de nous retrouver à Nice le 23 février, et que des initiatives se préparent à Clermont Ferrand, dans l'Aveyron, en Champagne Ardennes, Poitou-Charentes, au Havre, à Grenoble, Valence, Lyon, Toulouse, dans le Doubs, à Brest, Chambéry, dans l'Essonne, l'Aude, le Gard, et les Pyrénées Orientales ! Autant dire que c'est une vraie tournée de l'écosocialisme qui s'annonce cette année !

marseille_1.jpegPour tous ces débats, nous disposons d'un outil. Plus qu'un outil, un Manifeste. Notre Premier Manifeste pour l'écosocialisme a été soumis à débat depuis trois mois, nous avons reçu et traité près de 140 amendements. Il a été discuté, raturé, cogité et simplifié crayon à la main, pour enfin donner lieu à ces "18 thèses pour l'écosocialisme". Il va encore être discuté, décortiqué et enrichi tout au long de l'année, être traduit dans plusieurs langues et dès cette semaine, il sera porté par Jean Luc Mélenchon en Algérie, Tunisie, et au Maroc.

Et bien sûr, en parallèle de tout ceci, parce que l'écosocialisme est intimement lié à la Révolution citoyenne, c'est à dire à la réappropriation de la politique par chacun, sur le terrain, partout où des alternatives concrètes émergent, partout où des résistances, à la fois sociales, démocratiques et environnementales existent, nous sommes là. Que ce soit aux côtés des Fralib et de leur projet de Scop, devant l'ambassade de Tunisie en hommage à notre camarade du Front populaire tunisien Chokri Belaïd, avec les Licenci'elles pour la journée de convergence des luttes du 29 janvier, avec la fonction publique dans la rue, les salariés d'Arcelor Mittal devant le Parlement européen. Mais aussi en soutien aux ressourceries, aux AMAP, ou encore aux militants antipubs qui assument de barbouiller les affiches publicitaires et profitent de leurs procès pour faire œuvre de pédagogie publique sur le rôle aliénant de la publicité qui nous pousse à l'accumulation matérielle et saccage l'environnement par ce gâchis !

marseille_3.JPGC'est aussi ça l'écosocialisme. Partout où un autre monde s'invente et se construit, on sera là. Et on ne lâchera rien. Mais camarades, amis, nous ne pouvons pas nous contenter de résister et lutter sans construire une alternative politique, et celle-ci a besoin d'un projet crédible et porteur d'espoir. Il nous faut un projet d'alternative à la droite, à l’extrême droite et à la sociale-démocratie. Un projet qui donne à voir qu'une autre société est possible, pour que la colère qui s'accumule dans notre pays ne basculent pas du côté de la haine. Gramsci disait « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Les combattre, voilà ce que nous faisons. Alors, pour celles et ceux qui en douteraient : non, débattre d'écosocialisme n'est pas une perte de temps, mais au contraire un investissement essentiel pour l'avenir de la Gauche en France, et peut être même au-delà de nos frontières.

Alors place au débat. Et que nos colères fleurissent, en rouge et vert.

Photos : Jean Sicard

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