Depuis quelques semaines, l'offensive reprend de plus belle en faveur des gaz et huiles de schiste, tout comme des gaz de houille d'ailleurs. Pilotée par les lobbies et le Medef, relayée par l'Union européenne et désormais par le Parlement français, partout c'est la même rengaine : la sacro-sainte « compétitivité » passe avant l'intérêt général et les écosystèmes.
C'est ainsi que le 6 juin dernier, les parlementaires PS Bataille et UMP Lenoir ont publié l'attendu rapport de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) pour des alternatives à la fracturation hydraulique, interdite par la loi de juillet 2011. Il préconise une fracturation hydraulique « propre »... Un contre-sens écologique total. Un, la fracturation hydraulique ne sera jamais une technique propre, les experts de Total eux-mêmes l'ont reconnu - j'avais interpellé à ce sujet M. Courme, responsable de la branche Europe lors d'un colloque à la Région. Deux, à l'heure ou l'enjeu véritable de la transition énergétique est de réduire notre consommation d'énergies fossiles et de lutter contre le dérèglement climatique, le rapport ne préconise rien de moins que d'accélérer dans cette voie ! Le comble du cynisme est atteint lorsque le rapport préconise de financer la transition écologique à l'aide des gaz de schiste. (Lire également ici l'excellent bêtisier de Jade Lindgaard et l'analyse du Journal de l'environnement).
Quand tous ces gens comprendront-ils
enfin que le problème ne concerne pas que l'extraction, mais aussi
les émissions de gaz à effet de serre dégagés par ces gaz à
l'usage et notamment l'un des plus puissants d'entre eux, le
méthane ? Quand comprendront-ils que nous sommes en train de
nous condamner nous-mêmes, l'humanité toute entière telle que nous
la connaissons, leur croissance et leur compétitivité avec ?
Car bien sûr, comme toujours, l'argument de la croissance
économique
est mis en avant, aussi bien par la patronne du Medef Laurence
Parisot que par
le
Conseil européen qui a, lors du sommet du 22 mai, rouvert la
porte aux gaz de schiste au nom de la compétitivité. Et pour mieux
surfer sur l'austérité imposée, ils inventent des "contreparties
financières" proposées via la réforme du Code minier pour
acheter le consentement des collectivités et des propriétaires des
terrains à creuser.
Il faut en finir avec l'illusion de
réserves abondantes qui permet de continuer comme avant sans
réfléchir le changement... Il
est au contraire urgent de se désaccoutumer. Les énergies
fossiles
ont fonctionné comme une drogue dure du capitalisme industriel,
qui a prospéré sur une énergie abondante et à bas prix. Ces
ressources naturelles, qui pour certaines ont mis des millions
d'années à se transformer, ne sont pas inépuisables. Selon
l'Agence internationale de l'énergie, le pic de pétrole a été
atteint en 2006. Alors oui, on pourrait décider de continuer à
forer, racler le sable et faire des trous partout. Mais le climat
nous rappelle que ce n'est pas la solution. Car en exploitant de
nouvelles sources d'énergie fossile, on aggrave aussi les
émissions
de gaz à effet de serre.
Il n'existe pas de solution magique. Il n'y a pas d'énergie propre. Mais on peut limiter les dégâts, bifurquer : réduire nos consommations par la sobriété et l'efficacité, développer les renouvelables. Ça urge.
Télécharger le communiqué commun des associations Agir pour
l'environnement, Amis de la Terre, Attac, Greenpeace et RAC et le communiqué de différents collectifs ici
Pour approfondir : "Le mirage du gaz de schiste de Thomas Porcher et l'article "Gaz de schiste : creuse, Marcel, creuse et tant pis si ça chauffe !" par Benjamin Dessus