mardi 23 septembre 2014

Climat : la révolution ne sera pas télévisée (Tribune pour le site Medelu.org)

soyezprudents.jpgTribune publiée le 22 septembre 2014 sur le site Mémoire des Luttes

Climat : la révolution ne sera pas télévisée

« Changeons le système, pas le climat ». C’est le titre du débat auquel j’ai participé à la Fête de L’Humanité sur le stand de la République bolivarienne du Venezuela et des pays de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) en compagnie d’Andrès Bansart (intellectuel vénézuélien) et d’Hervé Kempf (fondateur du quotidien — électronique — de l’écologie Reporterre [1]). Des représentants de la République bolivarienne étaient également présents. Un remaniement ministériel venait d’avoir lieu à Caracas.

Le président NicolásMaduro a annoncé à cette occasion la création d’un ministère du logement, de l’habitat et de l’écosocialisme dirigé par Ricardo Molina. J’ai voulu y voir un signe favorable. Il y a en effet urgence à diversifier le modèle industriel et commercial vénézuélien qui dépend encore terriblement de l’exploitation pétrolière. Le pays se voit toujours contraint d’importer une grande part de ses produits alimentaires. Cette situation est d’autant plus ironiquement cruelle que le Venezuela ne dépend pas du pétrole pour sa consommation intérieure, ayant en grande partie basé son propre « mix énergétique » sur l’hydroélectrique.

J’avais pu le constater à l’occasion de deux voyages d’étude effectués à Caracas : l’un en septembre 2012 à l’occasion de la dernière campagne électorale d’Hugo Chavez [2] ; l’autre en 2009 pour la préparation du Sommet sur le climat de Copenhague.

Copenhague, où en 2009 déjà, le mot d’ordre du contre-sommet organisé par les associations, ONG, syndicats, mouvements sociaux et organisations politiques était « Changeons le système, pas le climat ». Placé sous le signe de la justice climatique, Copenhague avait vu la convergence des mouvements sociaux, altermondialistes et de défense de l’environnement. Les pays de l’ALBA y avaient fortement imprimé leur marque. J’en garde le souvenir d’Hugo Chavez brandissant le livre d’Hervé Kempf Como los ricos destruyen el planeta [3] à la tribune des chefs d’Etat ; également du président équatorien Rafael Correa formulant une proposition inédite : laisser, dans un pays du Sud, le pétrole sous terre en contrepartie d’un engagement de soutien financier de la soi-disant « communauté internationale ». Etait ainsi présentée aux yeux du monde l’initiative Yasuni ITT [4], hélas abandonnée depuis.

Depuis, le mouvement citoyen et alternatif s’est essoufflé face au mur de l’oligarchie. Les « grands de ce monde » refusant de se fixer des objectifs contraignants et imposant la présence, jusqu’au mobilier sponsorisé, de grandes firmes multinationales au Sommet de Varsovie en 2013, ont fini par pousser syndicats et ONG vers la sortie [5]. Aujourd’hui toutefois, avec la perspective de la prochaine Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Cop20) de Lima au Pérou (1er-12 décembre 2014), de la « pre-Cop » à Caracas (4-7 novembre 2014), et surtout de la 21ème conférence des parties (Cop21) à Paris en 2015 (30 novembre-11 décembre), le mouvement en faveur de la justice climatique semble reprendre de la vigueur [6].

Un premier forum « Alternatiba », organisé par l’association « Bizi ! » à Bayonne en octobre 2013, a réuni plus de dix mille participants. Ce processus est en train de prendre de l’ampleur avec l’appel à former « dix, cent, mille Alternatiba » [7] partout en France jusqu’au Sommet de Paris. La « Coalition Climat 21 », formée d’une vingtaine d’organisations se met également en marche pour faire de ce Sommet un moment phare des négociations internationales et refuser les fausses solutions. Enfin, une marche pour le climat, lancée sur les réseaux sociaux par le site Avaaz [8], a réuni plusieurs milliers de citoyens dans les rues de Paris le 21 septembre.

La reprise de ces mobilisations, après une longue période d’atonie encouragée par le désintérêt du gouvernement de François Hollande pour ces sujets, est une excellente nouvelle. On peut néanmoins se demander pourquoi, alors que les rapports alarmants se succèdent depuis maintenant quarante ans, on n’assiste pas à un mouvement plus important de la part de populations dont tout le cadre de vie, la biosphère, sont menacés à terme. Je ne crois pas, comme on l’entend souvent, qu’il y ait un déficit de prise de conscience.

Aujourd’hui, nul n’ignore plus que le climat se dérègle, et même si tout le monde n’en maîtrise pas précisément les tenants et aboutissants, le « grand public » sait. Le problème est qu’il ne croit pas qu’il soit possible de changer ce qui est présenté comme un état de fait. Et que tout est fait pour décourager l’action collective, puisque tout ce qu’on lui propose est de changer ses propres comportements, sans que les politiques publiques lui en fournissent la possibilité : changer de toiture, prendre les transports en commun, cultiver ses légumes, manger moins de viande, rouler à vélo, arrêter de prendre l’avion, se chauffer moins... Oui bien sûr, il faudrait que chacun s’y mette. Encore faudrait-il en avoir les moyens. Et avoir la tête à ça. Avec 6 millions de chômeurs et 8,5 millions de personnes sous le seuil de pauvreté, il est compliqué de demander aux Français de faire des efforts et de les pointer du doigt pour une responsabilité qu’ils ne partagent pas.

Car la réalité est que 90 entreprises sont responsables à elles seules des deux tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre [9]. Or ce sont elles qui tiennent aujourd’hui les rênes.

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