lundi 17 juin 2013

Au meeting du front populaire tunisien

meetingFPT.jpgJ'étais invitée ce dimanche à intervenir au nom du Parti de Gauche au meeting du Front populaire tunisien à la Bourse du travail, à Saint Denis. Le hasard et l'emploi du temps chargé de ce dimanche, puisque j'intervenais juste avant aux Assises organisées par le Front de Gauche sur le thème « Transition écologique et industrie, même combat ? », font que je suis intervenue juste après l'intervention très émouvante de Basma Khalfaoui, la veuve de Chokri Belaid, et juste avant Hamma Hammami, le porte-parole du Front populaire. Un peu de pression donc, mais surtout au final, malgré l'épuisement qui me guette, un vrai plaisir d'avoir pu vivre ce nouveau moment d'internationalisme, fruit d'un joli travail d'équipe avec mes camarades de la commission Maghreb-Machrek du PG. Il y est question de révolution citoyenne et d'écosocialisme, de luttes et de solidarité entre les peuples, d'arc euro-méditerranéen mais aussi de la prochaine visite de François Hollande à Tunis, de la dette et de l'Otan. Ci-après en mots, et bientôt en vidéo, afin de varier les plaisirs et s'adresser à tous les hémisphères du cerveau...

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Mes camarades, cher-e-s ami-e-s du Front populaire tunisien,

Au nom du Parti de Gauche, merci. C’est pour moi une grande fierté de m’adresser à vous en ce jour. Je le fais avec reconnaissance et humilité. Car, nous ne le répéterons jamais assez, le processus ouvert en 2011 en Tunisie, au sein duquel le Front populaire est une force essentielle, a regonflé le cœur de la gauche internationaliste. Cette révolution déclenchée en Tunisie, qui a impulsé des mouvements similaires aux fortunes variables dans d’autres pays arabes, peut et doit influencer les forces de gauche en Europe, tout comme le font les révolutions citoyennes d’Amérique latine.

Cela fait donc deux ans que nous observons avec intérêt et solidarité le processus révolutionnaire en cours en Tunisie, avec ses moments lumineux, ses promesses, ses difficultés parfois, et la fierté d’un peuple plus que jamais conscient d’être acteur de l’histoire. Cela fait deux ans, aussi, que nous constatons, sans étonnement car il en a toujours été ainsi dans tout processus révolutionnaire, que des forces contre-révolutionnaires se sont attelées à la Révolution, pour la circonscrire et l’utiliser à d’autres fins. Pourtant je ne suis pas inquiète. Je n’ai pas de la Tunisie l’image que les médias dominants en donnent. Eux cherchent à faire des reportages chocs et vendeurs. Surfant sur l’écume des choses entre deux prises de vues, ils résument la Tunisie à quelques groupes identitaires et religieux violents. Or la Tunisie, ce n’est pas cela, comme j’ai encore pu le constater lors de mon déplacement au Forum Social Mondial.

Non, la Tunisie c'est notre ami Chokri Belaïd, auquel je veux bien sûr rendre hommage en ce jour. C’est la dignité et la puissance d'un peuple, et de la société civile en Tunisie, qui ne lâchent rien. C'est la capacité de résistance qui a encore été démontrée lors des émouvantes obsèques de Chokri Belaïd. Celle-ci s’enracine dans une histoire de luttes, autour des mouvements de la gauche tunisiennes, des forces du peuple tunisien et de la grande UGTT, dont le fondateur Farhat Hached a désormais une place à Paris. Elle se manifeste tous les jours, dans les grèves, les luttes politiques et sociales qui parsèment le pays, qu’il s’agisse des citoyens qui demandent toutes les semaines la vérité sur le meurtre de Chokri Belaïd, des défenseurs de l’UGTT quand elle est attaquée, des mineurs de Gafsa, des chômeurs de Siliana, des instituteurs, des femmes, des pêcheurs artisanaux, des avocats qui défendent l’indépendance de la justice, des citoyens lorsqu'ils s’opposent aux projets de Shell pour mettre la main sur les gaz de schiste... La liste est longue des événements qui témoignent de la vitalité de la lutte politique, économique et sociale en Tunisie.

Nous devons continuer à tisser des combats communs. Cela sera d’autant plus facile que nos adversaires, voire nos ennemis, sont les mêmes. En France comme en Tunisie, les réactionnaires, l’extrême-droite, s’attaquent toujours aux étrangers et à la gauche, aux syndicalistes pointés comme ennemis. En Tunisie, comme en France, l’oligarchie financière continue à spolier le peuple pour préserver ses intérêts. En Tunisie comme en France, ces forces rechignent toujours à donner la parole au peuple, quand elles ne le bâillonnent pas de force. Le Front de Gauche et le Parti de Gauche seront toujours aux côtés du Front populaire et du peuple tunisien dans les luttes qui viennent pour la défense des libertés, de la laïcité, de la souveraineté politique et économique, par exemple contre les accords du FMI et le partenariat privilégié avec l’Union Européenne, qui exige que le peuple tunisien paie pour une dette qui n’est pas la sienne.

A quelques semaines de la venue de François Hollande à Tunis, nous nous engageons à exiger de sa part des engagements clairs sur l’annulation de la dette, sur la base des résultats d’un audit public, comme nous le réclamons ici-même s’agissant de la dette que l’on veut mettre sur le dos du peuple français. Nous réclamons qu’il pose à qui de droit les vraies questions au sujet du meurtre de Chokri Belaïd. La liste serait trop longue ici de ce qu’il faudrait souffler à François Hollande pour espérer qu’il fasse autre chose en Tunisie que des formules creuses sur la « bonne gouvernance ».

De notre côté, nous devons travailler ensemble sur des projets de plus long terme. Face aux tenants du « choc des civilisations » qui, de part et d’autre de la Méditerranée et de l’Atlantique, essaient de monter les peuples les uns contre les autres au nom de je ne sais quelle appartenance religieuse ou culturelle, nous devons réaffirmer qu’il n’y a que des peuples souverains, qu’ils soient tunisiens, palestiniens, français, algériens ou marocains, qui, par-delà leurs spécificités historiques, ont des aspirations universelles aux droits humains et au bonheur... Dans cette lutte pour un idéal commun, nous ferons ensemble à nos adversaires et à leur bras armé international, l’OTAN, que la France doit quitter et qui doit être dissoute. Quant à l’Union Européenne à la dérive, quand comprendra-t-elle que son intérêt n’est pas de rester cloîtrée derrière une forteresse tuant les êtres humains qui s’en approchent « illégalement », mais qui laisse passer tous les flux financiers les plus pourris et les marchandises les plus douteuses ?

Dans cette coopération pour l’édification d’un grand arc euro-méditerranéen social, écologique et démocratique, nous avons pour nous la logique : quoiqu’il arrive, l’espèce humaine devra tirer toutes les conséquence du fait qu’elle vit dans une biosphère, dans un écosystème commun. C'est pourquoi nous proposons un projet écosocialiste à l'échelle internationale, qui doit passer par l'établissement d'un rapprochement euro-méditerranéen. Pour nous l'écosocialisme n'est pas une nouvelle métaphysique, ni une nouvelle idéologie de discussion de salon, c'est une réponse concrète aux problèmes qui se posent à nous tous. De part et d'autre de la mer, nous sommes tous interdépendants de cet espace naturel. La Méditerranée forme une communauté économique, écologique et humaine pour nos peuples. Ainsi, à une journaliste qui l'interrogeait sur ses racines marocaines et son caractère « mélangé », Jean Luc Mélenchon a répondu : « Mélangé ? Mais c'est le même peuple qui tourne depuis 2000 ans autour de la Méditerranée ! ».

Ami-e-s, camarades du Front populaire tunisien, Vive la Révolution citoyenne, vive la République sociale, vive l’internationalisme écosocialiste, et vive l’amitié franco-tunisienne !

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