mardi 9 décembre 2014

Projet de loi de finances 2015 : there is no TINA ! (Tribune)

Austerity_ahead.jpgThere is no TINA

Un autre budget est possible !

Alors que le Parlement finit d'examiner le budget de l’État pour 2015, des partisans de l’écosocialisme s’expriment pour montrer qu'une autre politique est possible, permettant d'équilibrer le budget en augmentant ses recettes et d'investir pour l'avenir.

Publiée sur le site de Libération, Tribune par Nolwenn Neveu, co-responsable de la commission Économie du Parti de Gauche et Corinne Morel Darleux, Conseillère régionale Rhône Alpes, membre de la Fondation Copernic

Un délétère cocktail d'offre et d'austérité.

Le gouvernement Valls, comme les précédents, mène une politique de l’offre qui est à la fois absurde en période d’atonie de la demande, et écologiquement catastrophique. Sur injonction de la commission européenne, cette politique s’accompagne d’une austérité imposée au plus grand nombre pour assurer la prospérité de quelques-uns.

A cette double logique délétère, nous opposons le projet écosocialiste qui s’appuie sur une relance écologique de l’activité par une économie de réponse aux besoins réels humains. En effet toute croissance économique n’est pas bonne à prendre : les productions n'augmentent pas toutes le bien vivre. Ainsi certains secteurs doivent croître comme la santé, l’éducation la rénovation des bâtiments ou la filière des énergies renouvelables. En revanche, les activités inutiles et polluantes comme la publicité doivent être réduites.

Nous proposons donc une « écologisation » de l’économie. Celle-ci impose une réflexion sur nos besoins et sur la richesse que nous voulons, afin de réorienter nos modes de production et de consommation en vertu de leur utilité sociale et de leur impact écologique.

En finir avec les dépenses inutiles et nuisibles

Nous proposons, dans un premier temps, de renoncer aux grands projets inutiles et imposés (GPII). La France en compte actuellement une centaine, dont le barrage de Sivens, la ligne à grande vitesse Lyon-Turin ou le projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes. Pour ne prendre que cet exemple, la construction d’un tel aéroport coûterait 131 millions d’euros à l’État et 115 millions aux collectivités territoriales. Quand le gouvernement ne parle que de réduction des déficits publics, un tel gaspillage paraît peu justifiable, a fortiori alors que l’inutilité de cet aéroport a été démontrée.

Si on ajoute à ces projets, pour l'industrie électro-nucléaire l’EPR de Flamanville, le projet ITER, et le site de stockage des déchets nucléaires de Bure, le coût pour la France de ces GPII s’élèverait à plus de 60 milliards d'euros. Sans compter le maintien du tout-nucléaire qui nous coûte cher : selon l’association Global Chance, les coûts de fonctionnement, d’entretien et de mise aux normes ASN reviendraient à 470 milliards d’euros d’ici 2031, contre 410 milliards pour une sortie progressive du nucléaire.

Les caisses de l’État sont vides ? Remplissons-les !

Une économie écosocialiste implique de repenser notre fiscalité, pour mieux répartir les richesses et orienter les comportements vers des activités soutenables. La hausse du taux intermédiaire de la TVA en janvier 2014 a par exemple de graves conséquences sur deux secteurs déterminants pour la transition écologique. Les transports collectifs d’abord où il faut désormais choisir entre augmenter les tarifs ou réduire services et investissements. La gestion des déchets ensuite, où l’augmentation de la fiscalité fait augmenter le coût du recyclage quand il faudrait le réduire. Contre ces mesures désastreuses et injustes, nous proposons une TVA sur les produits de grand luxe qui rapporterait 4,6 milliards d’euros par an.

La fiscalité écologique implique également la suppression de nombreuses niches qui  subventionnent la pollution et sapent le principe de progressivité de l'impôt. Les recettes fiscales augmenteraient ainsi de 42 milliards d’euros. Des taxes écologiques ciblées (doublement de la taxe poids lourds, taxation des dépenses publicitaires...) apporteraient une recette additionnelle de 3,5 milliards d’euros par an. Enfin, une plus grande progressivité de l'impôt sur le revenu permettrait de collecter 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Cette mesure, qui relève d'une justice fiscale et sociale élémentaire, permettrait en outre de combattre le renforcement d'une oligarchie composée de milliardaires qui concentre l'essentiel des pollutions et gaspille les ressources.

Un plan de « relance écologique » créateur d’emplois

Les mesures que nous proposons dégageraient 130 milliards de recettes supplémentaires dès la première année, qui pourraient être allouées à des investissements durables et créateurs d’emplois.

Dans le secteur de l’énergie, près de la moitié de l’électricité peut être économisée, notamment par un plan d’isolation des bâtiments et d'investissements dans l'efficacité énergétique des appareils. Les énergies renouvelables (géothermie, éolien, solaire, énergies de la mer, biomasse…) pourraient ainsi couvrir près des ¾ de nos besoins et doivent donc être développées.

Mais la transition énergétique ne sera possible que si les pouvoirs publics remplacent les intérêts privés qui recherchent la rentabilité financière et non l’intérêt général. Il faut donc reprendre le contrôle des entreprises du secteur de l’énergie, à commencer par EDF, GDF et Areva pour fonder un pôle public en charge de la sortie du nucléaire et de la transition énergétique. La création de ce pôle est estimée à 40 milliards d’euros, moins que les niches fiscales que nous voulons supprimer.

Selon le rapport Quirion qui évalue les impacts du scénario Négawatt, la transition énergétique permettrait alors de créer 235.000 emplois d’ici 2020 et 630.000 d'ici 2030. L’Ademe considère quant à elle qu’une telle transition créerait 825.000 emplois pérennes et non délocalisables.

Dans le secteur industriel, des investissements sont nécessaires pour réduire notre empreinte écologique et anticiper l'effet destructeur de la fin du pétrole accessible et bon marché. Enfin, le développement de l'agriculture paysanne, qui offre aux consommateurs des produits de qualité, nécessitera de la main d’œuvre. Nous proposons la création d'un réseau public de maîtrise d’ouvrage dédié à la planification écologique et à la préservation de la biodiversité en doublant sur cinq ans les investissements publics.

Au total, toutes sources confondues, la mise en œuvre de ce budget écosocialiste entraînerait la création de plus d’un million d’emplois.

Un autre budget pour l’État est possible, qui relance l'activité et crée des emplois, en répondant aux besoins humains et en respectant les écosystèmes. Il n'y a pas de TINA.

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